Michel Cloup avait annoncé la sortie d’un nouvel album en laissant filtrer au compte-gouttes divers titres quelques semaines avant sa sortie. Ce qu’il présentait avait capté notre attention et suscité impatience. Le son semblait avoir évolué vers une matière moins organique mais toujours aussi puissante. Les textes, impliqués, ancrés dans leur époque, disaient notre temps sans jugement de valeur ou discours ampoulé. Et à l'écoute du nouvel album Danser Danser Danser Sur Les Ruines, ces prémonitions se confirment.
Michel Cloup, artiste discret mais essentiel à nos yeux, présente une solide carrière. Après avoir été un acteur majeur de la scène française dans les années 1990 avec le désormais culte Diabologum, il œuvra dans une optique résolument exigeante avec, entre autres, son groupe Experience. C’est en 2011 que sort le premier chapitre d’une carrière solo (en réalité, en duo avec un batteur, actuellement Julien Rufié) qui s’avère d’une belle constance tout en évoluant musicalement de façon fort intéressante.
Le son actuel de Michel Cloup, moins dépouillé qu’à ses débuts, distille par touches une dose d’électronique qui ajoute une texture singulière à cette guitare baryton qui reste un marqueur du projet. Les titres sont enlevés, énergiques, étoffés, d’une efficacité redoutable sans pour autant aller vers une quelconque facilité. La batterie de Julien Rufié, nerveuse sans être crispante, qui sait aussi s’effacer quand les instants de respiration le réclament, est un atout majeur dans la réussite de ce projet. L’énergie que dégage cet album est viscérale, essentielle, primitive, vitale. Le chant lui aussi s’inscrit dans une veine plus acérée. Toujours en mode spokenword, la musique semble avoir porté Michel Cloup vers une expressivité vocale renouvelée, densifiée par des intentions fiévreuses.
Ce corpus musical offre un écrin particulièrement adapté aux textes de Cloup, dont on sait la dimension intime et inspirée. Toujours d’une impitoyable justesse, l’album paraît cependant moins sombre que ce à quoi l’on pouvait s’attendre. D'une simplicité apparente et implacable quant à l’état de la société, le regard que porte Michel Cloup ne se veut pas désabusé ("Il y a tant de sourires sur tous les visages, il y a tant de bonne musique partout"). De par la finesse de son expression, le propos de l'artiste semble en lévitation. Il touche grâce à son humanisme et son universalité, à mi-chemin entre une chronique de fait irréels et un conte empreint de fiction authentique. Michel Cloup nous transporte dans un monde que l'on ne connaît pas forcément mais qui nous est indubitablement familier, dont on peut aisément deviner les contours mais qui pourrait également relever de l'achronie.
L’album est empli de cette dichotomie présente dans son titre, on passe du douloureux à la légèreté, de la noirceur à la lumière, de la résignation à l’espoir. On y voit de l’utopie heureuse, des espoirs vacillants mais notoires, un ancrage dans un présent ouvert et un futur possible. En somme, l’écoute de cet album nous transmet une énergie furieusement positive, nous touche d’un vibrato musical et sensible, qui convoque en nous une idée essentielle : après tout, nous restons vivants ("J’ai vu le futur dans tes yeux et il était bien plus heureux que prévu").