Et un album de Ministry de plus ! En ne comptant que les albums studio, C'est la seizième sortie long format. Pour une grande partie du public du deuxième "départ" (quel pourcentage écoutait With Sympathy en 1983 et a accepté The Land Of Rape And Honey, troisième méfait ?), c'est avec Animositisomina (2003) que se situe la fin du Ministry indus-metal, au profit d'une bascule vers un son moins aventureux, plus typé thrash-punk-destroy-indus ; un fourre-tout habile qui donne de bons disques, mais pas de grands disques.
De mon côté, je ne suis pas noyé sous les albums au point de me refuser la découverte d'un nouveau Jourgensen et je me doute que seuls les die-hard fans et les grands curieux liront ces lignes. Allez, un track-by-track pendant que vous zappez de titre en titre...
La cuvée 2024, avec en ligne de mire encore un changement de Président américain, reprend les ingrédients nécessaires. Le premier morceau n'est pas explosif, c'est un mid-tempo efficace, avec des variations, sur un fond assez groovy pour une fois. C'est du Ministry typique au son bien produit. Même si "Goddman white Trash" ne me fascine pas, il est meilleur que ce que contenait la mauvaise paire Relapse et From Beer to Eternity : samples, relances, riff entêtant, voix éructée et montée en puissance. C'est sympa, ça donne envie de bouger son popotin de vieux briscard en donnant quelques coups d'épaule aux voisins et voisines. Mais ça ne convaincra pas les déserteurs. Aurait-on moins bon qu'AmeriKKKant et l'aventureux Moral Hygiene ?
Et là, soudain, Al surprend : "Just stop Oil" déploie une basse à laquelle je ne m'attendais nullement ! Paul Barker n'est pourtant pas revenu ! Percutant, le morceau ne cesse de louvoyer avant de revenir à ce riff terrible. C'est un puzzle foutraque, comme on en faisait au mitant des années 1980. Ah ben ça alors ! On sent que Jourgensen a choisi de placer ses atouts en zone centrale (la bien-nommée "Twilight Zone" du précédent album peut-être?) puisque "Aryan Embarassment" déboule en mode expérimental avant le riff indus-metal basique et que la voix de notre bien-aimé Jello Biafra ne vienne se coltiner avec celle d'Al : on n'est pas dans le side-project Lard, certes, mais vraiment pas loin et je ne boude pas mon plaisir comme pour la collaboration sur "Sabotage is Sex" (2021) et pour "Ass Clown" dans Rio Grande Blood (2006). Jello et Al, nés chacun en 1958, montrent qu'ils vieillissent bien dans leurs pompes et dans leur tête (65 ans, tudieu !) puisque le morceau combine humour et revendications.
J'espère que vous n'avez pas zappé trop tôt à la piste suivante car la construction de ce titre révèle des variations. Ce qui n'est pas le cas de "TV Song 1/6 Edition" et on rappellera que le "TV Song" original existe, paru en 1991 comme face B de l'EP Jesus Built My Hotrod (1991), avant sa version remaniée quelques mois plus tard ("TV Song #2" sur ΚΕΦΑΛΗΞΘ). J'ai bien envie de me graver un disque compilant uniquement ces titres de ferraillage à métronome, doppés à l'EPO. Un de plus pour faire péter le Vu-mètre ! Et puis, c'est justement le milieu de l'album, c'est bien pensé.
"New Religion" tente l'emphase, avec un faux côté grandiloquent tant sur la voix que sur le refrain, mais ça passe mal. Ministry a fait bien mieux et paradoxalement la puissance visée amène un désagréable sentiment d'inconfort... C'est poussif ! La partie rythmique est d'un classique de deuxième année de batterie. Là, oui, zappez directement. Auraient-ils fait l'erreur de le placer en première place d'une face B sur la version vinyle ? Les synthés débarquent et le space-opera ou la cold-indus ne prennent pas. Cinq minutes de remplissage.
Heureusement, le malin enchaîne avec "It's not pretty", folk-song spectrale : guitare claire en mode dark-folk, basse présente, raclements, voix en retrait et échos... Bien vu, novateur, surprenant. L'ambiance captive avant une relance rock et l'impact d'une voix féminine. Puis une ambiance légèrement bluesy décadente. Chouette !
"Cult of Suffering" est également une récréation déstabilisante : sans doute que certains des quelques fans de With Sympathy aimeraient ce faux rock hard FM un poil glam funky chanté par Eugene Hütz. Pour ma part, c'est juste rédhibitoire. Je ne comprends pas la blague. L'album se finit avec un autre titre surprenant, cette reprise de Fad Gadget : "Ricky's Hand" qui sonne hard-rock wave : c'est catchy, amusant, tubesque en diable. On aimerait qu'il figure uchroniquement dans la prochaine saison de Stranger Things : les electro-corbeaux débarquent ! Un album dont il conviendra encore de trier les titres au risque qu'il ne sorte plus de son espace de rangement/stockage.