24 pour les vingt-quatre heures ou les vingt-quatre ans adressés à l'auditeur dès le lancement de ce nouvel album. Il est alors étonnant de se dire que je vais quitter le double de cet âge... Cet album m'est-il destiné ? On ne se projette sans doute pas vers un homme de presque quarante-neuf ans quand on s'appelle Minuit Machine et pourtant, leur musique a cette capacité à fédérer leur génération et la mienne, puisqu'elle s'abreuve à des sources qui me parlent, fait un petit tour de plus en plus prononcé vers la techno des années 1990 puis s'épanouit dans ses propres ambiances. "Contradictions" module ses loops EBM ravageurs et minimalistes alors que la voix se réfugie dans ses teintes mélancoliques et plus héroïques, toujours en retenue, chantée et déclamée.
Petites sœurs d'Anne Clark, exploratrices des pulsations désespérées pour en extirper de l'espoir et de l'allant, Hélène et Amandine tordent l'ADN de leur formation, délaissant les pistes les plus grises qu'elles avaient l'habitude d'offrir. La carte d'identité du projet en est passablement modifiée, altérée diront certains, évitant ainsi les redites. Elles ont grandi et se définissent dans un miroir aux facettes plus nombreuses. Le registre cold electro reste un tain discret, à peine perceptible derrière les éclats des sonorités fortes. C'est avec le dernier titre, habillé d'un piano nostalgique, qu'on retrouve transfiguré les idées initiales : tristesse, illuminations en clair-obscur, minimalisme et arrangements légers. Minuit Machine est cependant devenue une machine à danser passé minuit, un groupe clubby et dark, agressif dans sa forme première, plus délicat dans les volutes qu'il génère et qui encadre sans presser les cœurs ("Lion in a Cage"). "So hard" fait massivement mal en mode Hellektro avant un refrain où la voix exhibe ses fêlures. L'entrain est manifeste et parfois l'élégance des formes reprend la première place ("Follower", joue du décalage entre danse, mid-tempo et déclamation).
Plus prévisibles, leurs compositions attestent d'un talent pour déployer une formule désormais installée depuis les singles "Don't run from the Fire" et "Basic Needs" et confirmée par le live Sainte Rave. On peut y trouver un peu de redite, même si c'est dans les détails de composition qu'on découvre que derrière le rythme roboratif, on a de la nuance et qu'on n'est pas dans le basique ("Pressure").
La pochette, colorée et cyber-organique, est un pas vers une direction nouvelle, plus electro-pop de façade, mais cette douceur n'est que subrepticement présente dans le disque. On la distingue dans quelques nappes, des souffles des voix (?) ou encore dans la manière dont les compositions ont laissé de la place à des mesures musicales.
Ce courant plus volontaire, plus partagé, doit beaucoup à l'entourage du label Warriorrecords de Rebekka Warrior : quand bien même ce disque sort sur la structure d'Hélène de Thoury, Synth Religion, on apprécie la dynamique des derniers mois pour promouvoir et soutenir les aspirations plus dures et frontales de Minuit Machine.