La Nantaise Suzy LeVoid a de la ressource. Miët, c’est elle, elle seule, toutes configurations. Studio, live. Sur Ausländer, Miët ouvre un florilège des possibles, plus étendu sans doute que ce que ses précédents travaux nous faisaient soupçonner. Après un début duquel perce la vibration bruitiste de son rock ("Ones", saisissant), les sons machinistes et les boucles forment un cocon pour le flow des voix ("Not the End"). Miët déploie une hypnose sur Ausländer, disque dit "de l’altérité" où se pose la question de ce qu’est l’autre, et dans lequel se recompose ce qui fait notre respect de l'autre : cette inquiétude éprouvée pour lui, cette curiosité qu’il nous inspire. Les formes musicales d’Ausländer sont celles du chemin, des moments de morne plaine, de ces virages suite auxquels tout s’accélère. Il y a aussi les moments où tout semble dépendre d’un évènement, une condition suspensive ("Sleeping Dogs").
Suzy fait grand effet avec peu. Elle sait produire une ambiance de nuit, invitation au retour sur soi – et nulle voix-guide ici ("The One that kills"). Mais la voix revient. Elle descend aux tréfonds, quasi-nue ("The Path"). Et puis il y a les soubresauts de la vie. Les accents primaires de la percussion, leur force rituelle. Elle imprime "Did we ever", où dans un reflet technologique se réalise une pénétrante puissance chorale. Une transe se dessine aussi sur "Always the same Painting on the Wall" : beat obsessionnel, chaud-froid. Ça vous emporte, tournoyez.
C'est une sculpture. Ausländer est un disque versatile, sensible et passionnant où Miët concentre ses forces : concision de l’écriture, finition du sound design. Nous n’en doutions guère depuis 2019 mais cette fois il y a certitude : cette fille en a en réserve, et pas qu’un peu.