Il ne s’agit pas de parler de "supergroupe" avec Muzz, car c’est avant tout une histoire d’amitié qui remonte à l’adolescence entre Paul Banks - leader d’Interpol - et le multi-instrumentiste Josh Kaufman (qui fait notamment partie de Bonny Light Horseman), rejoints par le batteur de The Walkmen : Matt Barrick, lequel avait déjà collaboré avec chacun d’entre eux sur d’autres projets. Si les premières sessions d’enregistrement ont débuté en 2015, ce n’est qu’au début de l’année 2020 que le groupe a été officiellement présenté.
Sur ce projet signé chez Matador Records (le label d’Interpol), la production est impeccable : on entend tous les instruments très distinctement et on redécouvre la voix de Paul Banks – qui n’a pas aussi bien sonné depuis longtemps - grâce aux ambiances feutrées qui s’étirent tout au long du disque. Il s’agit véritablement d’un disque d’ambiance, souvent mélancolique, parfois plus lumineux mais le tempo est majoritairement assez ralenti ; et on pense davantage à l’univers de The National qu’à celui d’Interpol.
La douceur de "Bad Feeling" est une bonne introduction à la couleur qu’a voulu donner le groupe à cet album. La voix de Banks y est magnifiquement servie par la musique, qui parvient à envoûter tout en restant éthérée. On retrouve cette atmosphère délicate sur "Broken Tambourine", titre d’une grande beauté et qui transporte littéralement (de même que son clip), ainsi que sur le mélancolique "Everything like it used to be". On apprécie aussi lorsque Muzz accélère le rythme comme sur l’excellent single "Red Western Sky" - qui est clairement l’un des meilleurs titres que l’on ait pu entendre cette année – ou sur "Knuckleduster" dont la rythmique est imparable.
Ce premier album de Muzz est une réussite totale, sur lequel on ressent le plaisir qu’ont eu les trois membres du groupe à collaborer ensemble, ces derniers évoquant d’ailleurs une alchimie artistique quasi "cosmique". Les douze titres qui ont émergé de ce travail sont profondément sensibles, organiques et d’une cohérence parfaite. De là à dire qu’il s’agit exactement du disque dont nous avions besoin pendant la période plus que particulière que nous traversons, il n’y a qu’un pas.
