Ce Napalm Death est immédiatement une référence de plus à acquérir. Le lancement puis l'évolution de "Narcissus" placent le groupe dans une veine rétro qu'il maîtrise parfaitement. C'est punk (donc grind) dans l'exécution et la rage accumulée. Très vite, le professionnalisme s'impose avec des passages où la basse ressort au premier plan, les riffs sont travaillés avec un son énorme pour exprimer un maximum de haine contre cette caricature de Golden Boy que les paroles assassinent. L'accélération du morceau est un régal pour qui goûte ce tapage. Les détails apportent de l'air : les chœurs assez Killing Joke (j'avais fait un lien également pour le titre "Amoral" sur le disque précédent) pour clamer que cet homme "he's the alt", les jeux de répétition des paroles. On retrouve un semblable frisson punk au démarrage de l'expressif "Man bites dogged". Ce titre vire ensuite hardcore crossover et place une mosh-part fin de siècle, avant un passage pleinement grindcore et un solo démoniaque très heavy avec voix chantée... C'est une leçon d'Histoire sur la fusion des genres et l'évolution des musiques extrêmes. Le plus sympa, c'est de penser que ce cours s'est sans doute fait sans réellement cocher un cahier des charges. En effet, le trio Mark Greenway / Shane Embury / Danny Herrera œuvre sans arrière-pensées, attentif à ce que le morceau dicte et non pas pour faire étalage d'une science musicale.
Culture artistique pointée en revanche avec la reprise des Bad Brains qui offre à "Don't need It" un vernis sonore impeccable, comme ces artisans qui nettoient des tableaux et les retouchent en respectant l'original. Sans doute un peu trop. Cette fois, sur ce mini-album, j'ai le droit aux reprises. Après celle de Bad Brains, c'est "People Pie" qui donne dans un tempo phrasé décomplexé hip-hop sur fond groove et soul. La tonalité industrielle n'est que peu marquée et le résultat ne me satisfait pas. C'est rigolo et novateur chez ND, mais sans la classe d'un Ministry ou d'un RevCo.
Napalm Death se fait plaisir et ravira ses fans avec la rapidité frénétique qu'on lui connaît. Ainsi "By Proxy" ne s'embarrasse pas de fioritures : c'est direct, le jeu de double voix fonctionne, la vélocité permet quelques riffs en surimpression et un travail mélodique qui déstructure les harmoniques avec virulence. Paradoxalement, le résultat sonne encore une fois frais et novateur.
"Resentment always simmers" ouvre une voie plus expérimentale : une belle partie de batterie au son tribal, en rythme saccadé ; les guitares en mode noise sale ; les voix éructées avec la violence doublée pour mettre en orbite un refrain lourd et délié. C'est efficace, vilain et méchant.
Les riffs glissés et athlétiques de "Slaver through a repeat Performance" promettent une escalade de démence bien calculée : entre deux riffs répétés et convenus, on a ces suites de notes étonnantes et singulières, ces breaks qu'on aimerait répéter plus de quinze secondes... Les maîtres, c'est eux : la rapidité et la violence n'excluent pas la composition et le plaisir de la surprise. Enfin, on a droit pour finir au morceau d'anthologie qui rejoindra les réussites d'Apex Predator - Easy Meat : "Resentment is always seismic (Dark Sky burial Dirge)" est une exploration sonore noire convoquant sonorités indus, cuivres et lenteur foudroyante pour un résultat de toute beauté. C'est fort et élégant, sombre et profond.
Ce mini-album, nous explique la biographie, est le fruit des sessions précédentes puisque le groupe cumule toujours plus que ce dont il a besoin. Mouais... Là, je ne peux m'empêcher de ne pas croire à cette option des "chutes de studio" ou des "morceaux moins bons qu'on a mis de côté". Je ne vais donc pas répéter ma conclusion de 2020. L'écoute du titre ci-dessous en même temps que la lecture vous aura certainement convaincus. Pas d'erreur d'achat avec Napalm Death.