Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Album
17/02/2023

Naut

Hunt

Label : Season Of Mist
Genre : dark post-punk / afterpunk
Date de sortie : 2023/02/24
Photographies : Phil Critchley (1) / Vivien Varga (2)
Note : 85%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Un écho, caverneux : les guitares de "Dissent" qui résonnent en ouverture vous replongent dans un autre temps, des références vous submergent : Mephisto Walz, un vieux Christian Death. Pourtant, ce son est loin d’être américain : il vient de Bristol, bourgade de Barbe Noire fatalement connue par ici pour certains actes de naissance trip hop. 

Les échos, soudain, se fondent dans un bloc : un son plein, et l’aventure commence. Directe et sans dépareiller, la suite veut frapper les esprits par des mélodies et atmosphères, plus que par un travail de mise en abîme, ou le conte insidieux des tourments ou de la folie. Dark rock, plutôt qu’art rock : Naut tient sacrément bien son binaire, les ambiances vous emplissent et la puissance évocatoire de ce "Dissent" dit beaucoup de ces choses qui surviendront par la suite : le son est concentré, stylé, il veut vous embrasser, sans façons. C’est immédiat ; et en ce sens, performatif. La recherche de climats, tangible, a fait que certains n’ont pas hésité, dès 2018 et le premier EP, à faire apparaître Naut sur scène aux côtés de gens tels que David Eugene Edwards (Wovenhand, 16HP), Alexander Hacke (Einstürzende Neubauten) ou Pink Turns Blue. Ça dit des choses. Lorsque vous les interrogez ou retrouvez des traces sur ce qu’ils disent  être leurs influences majeures, vous retrouvez des références telles que New Model Army, Siouxsie, Killing Joke, Magazine, Maggot Heart. Ça aussi, ça dit des choses même si cela ne permet pas vraiment de saisir la concentration de leur son à eux : son incision rock, sa vibration dark punk, sa réverbération gothique.

La voix de Gavin Laubscher, dans ces médiums-graves qui hantent, joue un rôle d’importance au moins aussi forte que les guitares dans le rendu général. Il y a du feeling. Les voix ont cette force pénétrante, puissance incantatoire qui ne se relâche jamais complètement. Même lorsqu’elles entrent dans une forme de retenue, vous sentez que quelque chose les travaille, quelque chose de sourd et qui ne demande qu’à sortir ("All The Days"). Les guitares de Jack Welch, elles, alimentent le flot et ce, depuis 2016 (2017, si vous devez dater la complétion du line-up). Elles le font avec style, dans un mix de stridences death rock et d’inclinations métalliques. Mais leur posture a beau s’inscrire dans un certain héroïsme (l’héroïsme du désespoir, entendez), elles opèrent avec tant de justesse qu’elles évitent ce maniérisme qui fait que vous pourriez vous lasser, que ce serait trop. Ce n’est jamais le cas et leur stratégie de bloc, sans accumulation gratuite, opère à plein. 

Les guitares ont de l’espace pour s’exprimer, le groupe optant pour une formule rythmique extrêmement sobre. Basse lourde et linéaire (Andi Effe au poste), batterie programmée : un choix qui donne au son une forme rigide, rigoureuse, mécanique, forte ("Nightfall"). Formule classique, mais efficiente. Le batteur partait, autant revenir à l’optique originelle. Il n’y avait pas de percussionniste au début. Alors aujourd’hui, Gavin programme la frappe, là encore sans surplus. La force d’une intention se mesure au coup de caisse claire évité en trop. Quant aux claviers, ils émergent avec force dans le son, sur des refrains ou pile au moment où il semble naturel d’épaissir, histoire d’atteindre un climax. Les choix du groupe, et en particulier de Laura Taylor, s’entendent. Là encore, une histoire d’efficacité plus que de surprise.

Géniteur jusqu’alors de formats réduits (deux EPs sur 2018-2019), le son de Naut portait déjà quelque chose de fort en lui, d’identitaire. En 2023, il explose littéralement. Ce premier opus prend votre corps, votre âme, vous danserez parce que vous ne pourrez pas vous en empêcher. Hunt, en réalité, a tout de ces départs en fanfare et qui vous marquent pour longtemps : un paysage est posé, avec cette force qu’il faudra ensuite domestiquer, faire vivre, évoluer. Le défi n’est pas mince, et il va sans dire que nous les attendons au virage. Dans l’attente, franchement, toutes nos félicitations.

Tracklist
  • 01. Dissent
  • 02. All the Days
  • 03. Gold & Death
  • 04. Damocles
  • 05. 8 in 3
  • 06. Unity of Opposites
  • 07. Nightfall
  • 08. Watchers