The Substance of Perception (2019) - précédent et premier vrai format long après l'EP inaugural The NHART Demo[n]s (2017) - avait imposé une vision cinématographique, abyssale : Alessio Antoni, protagoniste principal de Neraterræ, y posait les fondations d'une musique profonde, propice à l'introspection. Seulement le début des promesses, semble-t-il : en cette année 2020, l'Italien couche, bien entouré, un second chapitre laissant pantois. Onze ans après sa naissance.
Le travail entrepris à travers Scenes From The Sublime, tout en texturations sourdes, confine à l'orfèvrerie. Sous un artwork signé Anirudh Acharya, Neraterræ forme un bloc inspiré par moult grands maîtres, cités expressément dans les titres des morceaux sur le Bandcamp officiel (Beldinski, Bosch, Füssli, Beksinski, Dali...). Ainsi que le dit lui-même le designer sonore, "[ce disque] est mon hommage personnel à certains de mes peintres préférés, à leurs esprits capables de canaliser le sublime, à leurs chefs-d'œuvre. J'ai ainsi concrétisé dix visions auditives, chaque morceau [se voulant] ode à une œuvre spécifique."
La sculpture sonore est à la hauteur : le monde de la peinture et ce référentiel ouvert provoquent un appétit que satisfait une musique évocatoire, elle-même très imagée, peu chargée en rythmiques mais - à l'instar de ce qui se produisit sur le premier opus - riche d'invitations : la quasi-intégralité des travaux présentés ici s'inscrit sans ambages dans un élan collaboratif (Phelios, Dødsmaskin, Mount Shrine, Leila Abdul-Rauf ou Fragments, entre autres recrues).
Si stylistiquement cette musique fait bloc, ses oscillations se remarquent. Le cas échéant, des cristaux lumineux pointent à travers les brumes ("Fate Unveiled"), quand ailleurs une résonance pluvieuse intègre une profonde hypnose funèbre ("In Deafening Silence", inspiré par le fameux Ivan le Terrible & son Fils Ivan d'Ilja Yefimovich Repin). Neraterræ dévie aussi, le cas échéant, vers la création d'ambiances horrifiques : le troublant "Thou, Daemon" est soutenu par les voix de Yann Hagimont (Cober Hord) et George Zafiriadis (Martyria) et produit son effet. Il a été inspiré par L'Exorcisme de Goya. La qualité d'ambiance de cette collection, au final, ne se dément jamais jusqu'à l'ultime "Virtues of the Dawn" (impliquant Shrine), dont les nappes en vagues vous emportent vers un océan de nuit, chapeautées par la puissance de l'œuvre référentielle de Joseph Mallord William Turner.
Le label spécialiste Cyclic Law, et ce n'est pas une première, a eu du nez : produit, enregistré et mixé par Antoni, ce second et obsédant second opus confirme en sa superbe l'émergence d'un nouveau talent phare au sein des scènes ambiantes. Au regard des qualités cumulées et du rythme de parution assuré par le protagoniste principal, les prochaines aventures d'esprit et d'esthétique de Neraterræ pourraient être attendues comme le messie.