Nightwish a désormais une histoire qui se raconte en plusieurs "ères". Il y a tout d’abord eu l’"ère Tarja Turunen" de 1996 à 2005 qui aura vu naître cinq albums qui sont quasiment tous devenus des classiques du metal symphonique, notamment Wishmaster (2000) et Once (2004). Caractérisée par le chant lyrique tout en sensibilité de Tarja, cette ère s’est achevée par un album live en forme de chant du cygne, End Of An Era (2005).
Nightwish a par la suite rebondi et entamé l’"ère Anette Olzon" avec une direction différente : le délaissement du chant lyrique au profit d’une voix résolument plus pop. Le virage fut délicat, Anette n’étant jamais véritablement parvenue à se faire une place dans le groupe et surtout dans le cœur des fans. Après deux albums studios inégalement inspirés (Dark Passion Play et Imaginaerum), celle-ci est (également) remerciée.
En 2013, débute l’ "ère Floor Jansen" et cette fois, le choix a fait l’unanimité : il n’y a qu’à écouter le live Showtime, Storytime enregistré au Wacken Festival pour s’en convaincre. La néerlandaise est dotée d’une puissance vocale assez hors du commun et qui lui pemet de s’approprier le répertoire des deux anciennes chanteuses avec une facilité déconcertante, en y apportant un côté plus rock, presque sauvage. Celle-ci est également familière de la scène metal depuis de nombreuses années grâce à ses expériences au sein des groupes After Forever et ReVamp, ce qui lui a permis de s’intégrer rapidement.
Pourtant, le premier album enregistré avec Floor, Endless Forms Most Beautiful (2015), n’est pas parvenu à convaincre totalement. Tuomas Holopainen, compositeur principal et âme de Nightwish, ne lui ayant sans doute pas laissé l’espace nécessaire pour s’exprimer et globalement, le groupe donnait l’impression d’être un peu trop resté dans sa zone de confort.
Cinq années et une tournée anniversaire - intitulée Decades - plus tard, les Finlandais reviennent avec Human. :||: Nature. pour lequel les attentes sont aussi grandes que les ambitions du groupe. Celui-ci propose un double album comprenant une partie chantée (Human) et une partie instrumentale (Nature). Pour la première partie, le disque reprend là où Endless Forms Most Beautiful s’est arrêté, les thématiques abordées (la science, l’évolution, la nature) sont toujours présentes, mais la différence principale est que cette fois, Holopainen semble avoir pleinement pris en compte l’étendue des capacités vocales de Floor Jansen. Sur "Noise" et sur "Pan", elle est parfaitement servie par l’orchestration et peut exprimer pleinement sa puissance, elle va même jusqu’à un chant quasi growlé sur "Tribal", le morceau le plus agressif de l’album. Mais Jansen manie aussi parfaitement la douceur comme sur "Procession" et le final lyrique de "Shoemaker" est sans aucun doute le plus beau moment de l’album. On regrettera en revanche la mise en retrait de Marco Hietala au chant, celui-ci n’apparait que (brièvement) sur "Noise" ainsi que sur "Endlessness", épique morceau final dont Nightwish a le secret.
La deuxième partie de l’album, entièrement instrumentale, a été décrite par Tuomas comme "la lettre d’amour de Nightwish à la planète Terre". Cette pièce musicale est décomposée en huit parties où le metal laisse la place aux cordes et aux chœurs. Une belle composition, avec une mention spéciale pour "The Blue" et "Ad Astra" que le groupe a cependant prévu de ne pas jouer lors des prochains lives.
Avec plus de quatre-vingt minutes au compteur, Human. :||: Nature. demande forcément un peu de temps pour être entièrement appréhendé. Le talent de compositeur de Tuomas Holopainen est toujours là, les musiciens sont excellents et la performance de Floor Jansen est impeccable. Pourtant, on peine à être complètement emporté par cet album : certains titres manquent un peu de relief, c’est le cas de "Harverst" la ballade folk/ celtique chantée par Troy Donockley, ou encore de "How’s The Heart" qui semble peu inspiré.
Mais c’est surtout le contenu de l’album qui touche moins. En s’éloignant des compositions personnelles qui ont fait le succès du groupe, Tuomas Holopainen s’est privé du supplément d’âme qui faisait la beauté de ses chansons. En résumé, un bon disque de Nightwish mais encore loin des grands disques qu’ils sont capables de produire.