Imaginez qu'un des aliens à voix droïde de la saga Star Wars s'essaie au spoken word : l'arrivée dans vos oreilles du "Trapezoid haunting" ferait le même effet. Quel est donc cet être qui communique avec vous dans le vide ? Que révèle-t-il ainsi ? Vérités toutes-puissantes ? Liste des courses ? Résultats sportifs égrenés dans l'infini de l'espace ?
Pourtant, malgré ce fort souci de communication (c'est de l'akkadien, dans 93 % du temps, nous dit la fiche promo, une des langues présentes à un temps prébiblique), sa musique de synthés tordus en pulsations cosmiques vous parle et fait naître l'envie de le suivre dans une grotte où l'humidité et la fraîcheur vous pousseront à une langueur un rien érotique. Le collègue d'outre-espace semble même avoir croisé la route de Jim G. Thirlwell ("Natron skipping Rope"). Peu à voir avec les projets dark-folk de David Tibet (excepté lorsque sa voix apparaît sur "Geometric Magus Breath" à la fin du disque), pas grand-chose non plus avec l'expé plutôt noise d'Andrew Liles, beaucoup avec les scènes expérimentales seventies. Tibet et Liles, deux hommes à la source du projet.
L'unité du disque est palpable, les nappes et notes rétro faisant l'ossature de chacun des titres, sans réel décollage dans le rythme. Des boucles à vocation semihypnotiques, les voix traitées avec échos et saturations, des sortes de coupletsbreaks en tonalités plus élevées. Des mélodies "Bontempi" valables pour des émulations de retro-gaming cradingues, ça peut rebuter. Bizarrement, alors que ça pourrait être vain, on se plaît à voyager dans cette touffeur décalée, second degré et de troisième zone sur le plan de l'histoire des musiques sombres. Le disque a été intégralement joué, agrémenté de projections vidéo et de lasers (voir la vidéo postée par Nodding God ci-dessous) le 11 mai dernier à Islington. Quelques passages mélancoliques aux harmonies étranges sèment leurs notes aux confins du cerveau reptilien ; les moments les plus longs sont ceux qui installent et déploient cet univers, le rendent tangible ("Salamander Candy"). Un troisième larron, fils de Satan (Underrage Shaitan Boy), est évoqué, mais la pression policière rend sa présence incertaine... La liberté créatrice est aussi dans une expression foutraque à la limite de la folie douce.