Noltem a jeté ses premiers cris il y a bientôt 20 ans dans une chambre d’adolescent nichée au cœur des vertes contrées du Connecticut, mais il fallut attendre 2015 et la sortie de l’EP Mannaz pour que le projet prenne corps sur la carte des groupes à suivre de près. Brève incursion dans une variété pas si lointaine – mais presque disparue aujourd’hui – de metal atmosphérique à forte présence folk, Mannaz ramenait avec amour aux premières sorties d'Agalloch, avec d’autant plus de réalisme qu’il s’agissait de la concrétisation tardive de chansons écrites dans la foulée de la démo Hymn Of The Wood (2005). Il fallait s'attendre, ne serait-ce qu’aux propos d'avertissement de Max Johnson, à ce que le premier album élargisse considérablement son rayon exploratoire.
De fait, Noltem a changé. D'une part, l'apport est désormais collectif. Alors que Mannaz s’identifiait aisément comme une entreprise solitaire, Noltem est à présent un trio, riche des contributions significatives de Shalin Shah (In Human Form) à la basse et de John Kerr (Marsh Dweller) au chant et à la batterie – ce dernier était déjà en poste à l'enregistrement de l'EP. Les apparitions de Jordan Guerette (Falls Of Rauros) et d'Aaron Carey (Nechochwen), offrant chacun un solo au dernier morceau "On Shores of Glass", pointent clairement le doigt vers la ligue qu’aspire à rejoindre Noltem. Autant Falls Of Rauros que Nechochwen ont, au fil de leurs discographies, atteint un haut niveau d'émancipation musicale sans pour autant devoir rompre les liens nourriciers avec le black metal sylvicole de leurs débuts respectifs. Il est heureux de constater qu’Illusions In The Wake trace une voie similaire.
Le Noltem de Mannaz, qui fleurait bon les années 1998-2003 (en gros), respire toujours en profondeur, mais sa musique a désormais une portée nettement plus variée, elle regorge de confiance et d’émotion, et d’un désir ardent d’envoyer du jeu, particulièrement apparent sur "On Shores of Glass", bouquet final explosif avec ses guests. Le groupe tire le meilleur parti de l’ample espace sonore dans lequel il a choisi de travailler, au sein duquel trône la batterie infiniment créative de John Kerr. Sans aller jusqu’à lui accoler l’adjectif "progressif" – éculé depuis qu’il a été utilisé à l’envi pour qualifier les premiers albums d'Opeth – la musique de Noltem ne sera pas franchement charitable envers les personnes à la capacité d’attention réduite. L'un de ses meilleurs attributs est le contraste entre d’un côté une basse agile et une batterie loquace, et de l’autre les atmosphères rêveuses, voire reposantes, que Max colore de ses riffs. À ce titre l’osmose avec la superbe peinture d’Anthony Hurd sur la pochette est totale. L’album s’envisage comme une géographie vue depuis les hauteurs, une terre vaste et organique où tout fait sens. Illusions In The Wake ne jette pas l’auditeur dans le feu de l’action. Il lui offre plutôt une enivrante prise de recul, habitée par une belle variété de transitions aux antipodes de dynamiques couplet-refrain. Le moindre élément "compte".
On notera pour finir que Noltem se sort indemne de l’exercice délicat des parties chorales, ici introduites avec bon goût et de manière fluide. Mannaz avait montré que Max Johnson sait ce qu'il fait lorsqu'il écrit un morceau, mais l'aisance avec laquelle lui et ses collègues gèrent une palette bien plus ambitieuse de sons et de défis musicaux ne laisse d’impressionner !