Vingt-sept nuances de noir… Boing boom tschak ! Henrik, gueule de Viking des ténèbres, sort du bois et nous assène son beat obsédant. Dansez au rythme malsain d’une pulsation d’outre-tombe. La Mort se réjouit, observant dans un coin vos chorégraphies macabres. Le mal est fait. Enivrés par cette puissance sourde, vous quittez votre corps. Où se trouve-t-il ? Peut-être dans un cercueil flottant harmonieusement sur le Styx… Nordvargr se fait plaisir avec cette musique entêtante, farouche. L’idée de Resignation I-II-III a jailli en 2008 de mélanger les climats dark dont il est coutumier à des motifs répétitifs. Grâce à la sollicitation du cinéaste polonais Jakub Charon (tiens tiens !) de réaliser un morceau pour son film Totem, le Suédois a décidé de poursuivre ce travail de composition. Un résultat impressionnant de trois disques (et on me murmure à l’oreillette que ce n’est pas fini !), pour deux heures quarante de sons hybrides.
Ressent-on de l’ennui ? Pas vraiment. Certes ce bloc conséquent peut en décourager plus d’un. Mais faites néanmoins l’effort de vous plonger pleinement dans cette œuvre immersive, car elle regorge de pépites ! "2II" impressionne par exemple par sa candeur, ses effets heavenly voices rappelant les meilleurs moments du Riceboy Sleeps de Jónsi & Alex. Quelques autres touches lumineuses (si si !) sont aussi notables de-ci de-là : "5V", "Outro - II (Reprise)", "Nekrosis". Nordvargr opère en effet une mue intéressante depuis quelques années, incorporant plus de rythmique à son art. Resignation montre ainsi une facette plus "humaine" du musicien. Si le dark ambient constitue toujours une base bien établie ("6VI", "4IV", "Nehemoth", "Inannao"), l’ensemble donne délibérément dans le registre de la techno. Parfois acide ("9I (RMX)", "Totem Visitations", "When Serpents appear - BURG remix"), minimale ("1I", "3II", "Nehemoth"), indus ("Totem Visitations", "Inannao", "When Serpents appear - BURG remix"), elle a une saveur générale plutôt "organique". Ainsi, son collègue Jouni Ulvtharm a étiqueté le style de "forest techno". Un label fort bien choisi, tant certains titres font terriblement penser à GAS (en particulier "1I").
Nordvargr innove constamment. Cet album prouve qu’à cinquante ans il parvient toujours à se renouveler, sans jamais renier ses origines. L’influence de son autre grand groupe, MZ. 412, se distingue dans ses élans plus noisy. On reparle de death industrial à travers la violence infligée aux machines sur "5V", "Moder Kaos", "When Serpents appear", "Inannao" ; certains traitements des loops pouvant même évoquer NON. Resignation est un opus résolument destiné à un club berlinois underground, forcément décadent et blasphématoire. Les atmosphères sont crasseuses, moites. Des voix spectrales d’un autre âge surgissent, comme dans une séance de spiritisme sinistre. Un grand coup frappé avec néanmoins les défauts inhérents à une telle densité : longueurs, recours à l’expérimental pour pallier le manque d’inspiration parfois… Mais un bon cru tout de même, vigoureux et rond en oreilles !
