Deux ans après la sortie de la compilation Resignation I-II-III (dont nous avions parlé à l’époque, cf. chronique), Henrik Nordvargr Björkk remet le couvert ! Petit rappel des faits : "Le projet 'Resignation' a débuté en 2008 comme une exploration de la musique rythmique et répétitive associée à des paysages sonores dark ambient. Il est né d'une collaboration entre Nordvargr et Nils Ekholm, fusionnant des rythmes inspirés de la techno avec des échantillons de vieux disques soixante-dix-huit tours. Le premier album de la série a été décrit comme de la 'techno, si elle avait été inventée à la fin du XIXe siècle', s'inspirant de l'expédition malheureuse de S.A. Andrée au pôle Nord en 1897." Un programme réjouissant, que nous avions alors salué.
2024 marque donc l’arrivée du quatrième volume à paraître fin novembre chez Cyclic Law, label pourvoyeur d’excellence sombre et rituelle. Resignation IV comporte neuf titres, pour une durée totale de quarante minutes. D’emblée, l’œil est attiré par cette pochette marquante : un homme revêtu d’un sweat-shirt à capuche, debout dans une chaire d’église, tient entre ses mains un fusil à lunette. Violence manifeste qui présage d’un propos musical forcément dérangeant… Et à ce titre, nous ne sommes pas déçus ! En effet, le Suédois développe son art obscur avec une véhémence farouche et va encore plus loin que sur la trilogie précédente. Nordvargr malmène l’auditeur grâce à un travail sur la matière sonore véritablement expérimental et macabre.
Ce que l’on remarque déjà, c’est cette volonté d’incorporer de la pulsation et du rythme. Nous pensons une nouvelle fois à GAS dans les moments les plus hypnotiques de l’album ("No Tears wasted", "Our Lord of the Abyss (Part two)"). Aussi, l’aspect industriel prend le pas sur le dark ambient. Néanmoins, celui-ci structure tout de même une bonne partie des morceaux et confère à l’ensemble une certaine harmonie. Ainsi, nous pouvons apprécier des textures puissantes sur "Nibelvirch", "Our Lord of the Abyss (Part one)" et "Aska". Cet opus navigue donc entre différents climats, reliés par la volonté de son auteur de susciter l’effroi et de fragiliser l’écoute. Cet effet est particulièrement réussi sur "No Tears wasted" et "Silent Command Echo" (renvoyant aux classiques de l’isolationisme).
Mais ce propos comporte des limites. Si l’exercice s’avère efficace, il peut vite lasser tant les sonorités sont parfois brouillonnes. "Silent Command Echo" et "Resistance" se perdent par exemple dans une démonstration de puissance et de bruitisme un peu insipide. Le second, malgré son minimalisme plutôt appréciable, perd étrangement en intensité à cause de son côté martial. Affirmons-le, le Scandinave est véritablement le meilleur lorsqu’il expose des ambiances répétitives. Et d’ailleurs, une forme atmosphérique n’est pas forcément exclue. En témoigne le très bon titre "Our Lord of the Abyss (Part two)", plus ambient techno que jamais, porté par des nappes légères. Resignation IV confirme l’essai et prolonge de bonne façon une oeuvre d’une grande richesse.
