La culture et le feeling punk impriment une énergie, c’est dans l’ADN. Cette vibration brute se ressent encore à l’heure de Staring At The Sun, quoique Not Scientists ne stagnent pas. Inféodés à rien. Les routines, leurs puits perdus, un truc à éviter. Et puis il y a des raisons humaines au changement : un line-up évolue, la nature a des lois. L’environnement studio, par contre, reste stable : assurer le virage implique peut-être aussi de sécuriser les conditions dans lesquelles on l’aborde.
Pas plus avec Not Scientists qu’avec tout groupe qui se respecte, vous n’aurez deux fois le même album. Sur Staring At The Sun, l’incision rythmique reste de rigueur et c’est manifeste ("Like Gods we feast" : un prenant clair-obscur, le chant en scansion). La frappe est sèche et enlevée, elle reste vindicative quoique le groupe poursuive évolution dans la gestion de ses énergies : elles maintiennent une franche vivacité ("Heart Attack") mais le quatuor rénové qui s’affichera pour le live se mettra au service d’une musique au mordant plus contenu. La respiration diffère. Le son reste enlevé, mais le groupe semble plus que jamais vouloir faire tricoter ses guitares. Elles serpentent, mutines autour des roulements de batterie signés Le Bazile (No Guts No Glory).
Dans les énergies que déploie le groupe, la linéarité joue aussi un rôle. Il y a cette insistance sur la note, cette recherche de puissance hypnotique ("Why do you do this to me", émotionnel). L’afterpunk de Chameleons a comme fait des petits : il y a dans ces guitares une insistance, ce tranchant sans recours aux épaisseurs des saturations. Détail et ambition harmonique. Il y a aussi de la sévérité dans les rythmiques, à laquelle se mêle éventuellement l’urgence d’un punk rock en survivance ("Rattlesnake").
Alors si ce son tient clairement plus de l’afterpunk que des crasses de 1976-1977, la colorimétrie de Not Scientists s’inscrit dans la variation, la subtilité. Des huiles se diffusent. Les tonalités sombres imprègnent les chansons ("%8x5") mais Not Scientists diffuse aussi de la positivité dans ses armatures 2023. Dans l’attaque, dans sa franchise, vous pourrez ci ou là ressentir ce truc à la Killing Joke ou à la UK Decay (en moins sombre et plus aéré) mais nos protagonistes ne sont pas simplement dépositaires d’un héritage qu’ils entretiendraient. Ils ont leur truc à eux, leurs mélodies vous débordent à leur manière et les voix n’y sont pas pour rien (testez le titre éponyme).
Le changement est en marche, à demain les planches, l’épreuve de vérité : Fred (Pookies) assurera les guitares. Un chapitre s’ouvre qui, nous l’espérons, verra Not Scientists réaliser de nouveaux possibles. En ce début 2023, ça semble bien parti pour être le cas.