Retrouvailles avec Novocibirsk, après le dernier album Television 1945 (Volume II), sorti en 2021. Le visuel montre des sphères amputées, comme des étranges vaisseaux spatiaux (des Intercepteurs TIE en mode arrondi ?) s'échappant de blocs semblables à d'immenses enceintes. Les teintes de jaunes/verts et de gris/noir renvoient au peintre Victor Vasarely, fondateur de l'art optique fait de courbes géométriques et d'effets 3D avant l'heure. Le sous-titre de la compilation indique qu'il s'agit ici d'enregistrements vus comme des extraits et des expérimentations.
Hervé Isar a entré des codes couleurs dans son matériel de séquenceurs pour les traduire en tensions, puis il a joué avec les sons produits au tournant des années 1990. En 1993, la Fondation Vasarely à Aix-en-Provence l'a invité à se produire sur scène ; ce sont ces enregistrements d'époque, captés sur cassette, qui ont été réarrangés par Member U-0176 pour cette nouvelle sortie CD.
Le résultat donne des pièces immédiatement identifiées comme étant du Novocibirsk ; les sons, leur structuration et les jeux ludiques qui se dégagent fixent un univers. Est-il besoin pour nous de chercher du Vasarely ? Pas forcément, en revanche, l'ouverture culturelle que cela donne est recommandée. Le titre éponyme est l'extrait le plus long de ce concert-performance, ici sauvegardé et réorganisé : "The Vasarely Project" forme un voyage marqué par les mélodies intriquées de plusieurs pistes mélodico-rythmiques, surplombées par la partie lead des synthés sonnant comme de la musique improvisée, qui donne légèreté et rêveries. Un semblant d'accélération crée un trompe-l'oreille en même temps qu'un début de transe. Plus rapide, "Microscopic Activity" démarre sur les chapeaux de roue et a du mal à trouver sa vision, n'étant pas non plus une alternative sautillante à l'EBM ; un essai non concluant à mon goût, mais amusant.
"Circulaire", lui, a cette vision rétro-futuriste qu'on aime chez Hervé Isar : quelque part du côté du générique de fin des Cités d'Or, un peu du film Tron, des effets et des détails intergalactiques. C'est une vision décalée et qui fait sourire tout en revivifiant les premières propositions musicales des musiques dites électroniques (les débuts de Kraftwerk, Klaus Schulze, Vangelis, Tangerine Dream, voire le Français Jean-Michel Jarre). On peut aussi tisser un lien avec le renouveau de la musique orchestrale : la présence de sonorités évoquant des voix dans un chœur, sur le bien-nommé "Incantation" me fait penser à Philip Glass et son Einstein On The Beach.
La trilogie "Message" est propice aux réflexions : on pense bien sûr à ces multiples objets et signaux envoyés à travers l'espace dans l'espoir de communiquer avec d'autres intelligences (comme le message envoyé vers Trappist-1 en 2022). Scindée en trois moments, la mélodie ne cesse de s'enrichir et de revenir en boucle vers son élan initial : une grande réussite. Pour répondre, la pièce "Creature from outer Space" scintille et brille de pulsations multiples, la mélodie se découplant en propositions variées, faciles à suivre malgré la débauche des pistes (six ou sept mélodies à suivre en parallèle, jouant des harmonies et parfois des accords qui tombent bien).
Un travail intéressant, marqué par des compositions parfois trop courtes pour être pleinement trippantes, mais avec un point de départ fascinant pour les férus de recherches sonores planantes.