Très bonne idée qu'a eu ProductionB, sous-division des estimés BOREDOMproduct : avec la sortie de ce Novocibirsk, le label lance son premier disque sous trois formats et donne un aperçu de ce qu'il souhaite faire. Ce sera la découverte ou plutôt l'exhumation de petits trésors bien gardés. Novocibirsk, c'est le projet en partie avorté d'Hervé Isar, actif entre 1982 et 1993. Ces travaux, il les avait produits et conservés sur différents supports (K7, DAT) et une partie de ce qui a été conservé vient d'être nettoyé, restauré et remasterisé. Member U-0176 a réorganisé et réarrangé ces expérimentations qui sont dans l'air du temps rétro-futuriste.
La liste du matériel utilisé est donnée, titre par titre : on y retrouve les Korg, Roland, Moog, l'Arp 1601 usités ces années-là. Les sons tombent dans le synthétique expérimental, à la Bernard Szajner, même si Novocibirsk est moins expérimental. Les passages les plus dansants et fantasques rappellent les Residents ("Novocibirsk") et les premières bandesons pour jeux-vidéos, alors que la majeure partie de ces titres font le pont entre les débuts de Kraftwerk et le moderne Oil 10 ou même Signal~bruit, monté par Member U-0176 justement ("The Wake of Landscape", "Train to Novocibirsk", "Bahnfahrt"). On n'est pas loin d'une musique parfois désuète, rétro dès sa création (« Flugzeug »), bien plus typée années 1970 – Kraftwerk et la Kosmische, mais aussi le Pink Floyd le plus trippant – que marquée du sceau de la proto EBM (D.A.F., Front 242 et Die Krupps) ou de l'industrielle expérimentale avec bande inversée (Clair Obscur, Virgin Prunes...). Novocibirsk avait coupé les ponts avec l'esprit "rock".
Les nappes rythmiques et les harmonies-mélodies sont en fusion parfaite. C'est propre, ravissant même. Le rythme enlevé d' "Iceland" en fait un titre récréatif, tandis que "Bahnfahrt" sonne très actuel dans sa composition. Deux titres se distinguent : celui qui donne son titre à ce volume, "Télévision 1945", piste parlée au vocoder, assez irritante car trop peu audible, rappelant cet instant où la télé que Tintin et ses amis regardent diffuse des images saccadées ; et le plus intriguant "Hydrotexture", bruitiste en comparaison, avec déjà cette idée de l'usine désaffectée ou du train en route vers nulle part.
Les fans de musique planante, les archivistes et les curieux(ses) ont donc un bel objet de transition à faire valoir dans les discussions. Une ambiance fort sympathique pour les veillées nocturnes.