Les Américains Nox Novacula, formés dans la seconde moitié des années 2010 à Seattle, confirment tous les espoirs portés en eux avec cette collection de titres venant en succession d’Ascension (2018, Bat-Cave Productions puis Manic Depression).
Le fond, la forme : il y a une esthétique du drame. La dimension ténébreuse ne tient pas qu’à un apparat, et ces êtres humains développent une authentique culture de genre. Elle nourrit avec substance une musique organique, faite pour les clubs. Plein d’une vibration dark punk / afterpunk 80’s, Feed The Fire concentre son flux. Pas de tergiversation, le contraire : construire sur les acquis, sur le ressenti, sur ce qui est ancré. Une musique de l'instinct. Le collectif concentre alors la dimension entraînante voire dansante des concoctions. Chaque titre a le potentiel d’un tube et vous emporte comme prend un brasier. Le revers de cette efficacité tient à une relative monochromie de forme et donc de ressenti au fil de l’expérience.
Les plus sensibles à la cause parleront, à propos de Feed The Fire, d’homogénéité et de clarté de vision quand d’autres pourront ressentir frustration face à une forge monolithique. Mais une culture transpire ici, elle est dans le son et nous nous rangerons sans ambages à la position des plus fervents - d’autant plus que l’écoute rend Feed The Fire addictif et que le disque n’est pas si… linéaire que ça : le cru est porteur d’une enthousiasmante énergie, les quelques substances synthétiques distillant une cinématographie ("Stay", "Flood"). L’épaississement ponctuel des guitares, épurées mais héroïques sur tout le disque, imprime une intention vengeresse (le conclusif "Revenge" porte bien son titre).
Il y a de la stylisation, et le chant de Charlotte Blythe, maîtrisé et sanguin, plein de cette vibration acide et siouxsiesque ("Disappear"), participe de la vitalité de l’ensemble. Un ensemble court (35 minutes, à l’ancienne) et concentré, mais qui en dépit de son primat organique ne sonne pas purement "à l’ancienne". Sa discrète bâtardise fait le charme d’une collection vitale et qui convoque ici un héritage, là l’atmosphère de ces vieux films où le sang des autres est objet de convoitise.