Après D’Une Pierre Deux Tombes, la formation electro-mediévale / synth pop française (dites plutôt « l’inclassable ») Opera Multi Steel est de retour avec un disque aux airs enjoués, Les Passions Tristes. Aux airs seulement. L’occasion de revenir avec ses membres sur une œuvre profuse et sur ce qui fait la chimie du groupe, la constance d’une collaboration et les motivations qui poussent aujourd’hui. Tout change, rien ne change, quelques Lumières restent et avec elles, encore un peu de temps.
Obsküre : L’album précédent s’inscrivait dans un temps de deuil pour plusieurs d’entre vous. Certaines tonalités du nouvel opus dévoilent, quant à elles, un son plus dansant, par moments presque enjoué… si le terme "enjoué" prend sens concernant votre esthétique sonore ! Même si l’humeur n’est jamais linéaire, comment décririez-vous votre état d’esprit dominant à l’époque à laquelle vous avez composé Les Passions Tristes ? Qu’est-ce qui a marqué ce temps-là ?
Opera Multi Steel : D’une Pierre Deux Tombes était conçu comme une libération, une sorte d’exorcisme qui nous avait emporté dans des sphères plus sombres qu’à l’accoutumée, avec des textes tournant autour du thème de la mort, un exutoire à la tristesse tant dans la forme que dans le fond. Les Passions Tristes, malgré son titre, peut sembler a priori plus joyeux, "positif" dans sa forme et ses rythmes plus enlevés, mais reste finalement très pesant dans le fond. Les textes de Patrick sont toujours sibyllins mais très empreints de la morosité ambiante qui prévalait lors de sa création - morosité qui perdure finalement de nos jours, l’actualité anxiogène ayant notamment pris le relais des affres de pertes de proches qui avaient nourri le précédent album. Nous tentons de masquer notre côté pessimiste sous un uptempo trompeur. La chanson "Le Soleil est parti" en est un bon exemple… Elle résume à elle seule cette impression de vivre dans un monde qui reflète de moins en moins les valeurs qui nous ont accompagnées pendant longtemps, une sorte de nouvelle dimension où nous ne nous sentirions plus tout à fait à l’aise. Il règne comme une impression diffuse de vivre le début d’un siècle où les Lumières s’éteignent peu à peu…Et ce n’est sans doute pas qu’un effet de l’âge. Chanter des choses graves sur des rythmes enjoués est un bon moyen de prendre de la distance vis-à-vis de constats pas toujours optimistes. D’où cet apparent paradoxe chez OMS entre la gravité de certains propos et la relative légèreté des musiques qui les soutiennent. Le titre de l’album reflète cette sensation d’appréhension générale d’une société en proie aux affres de sa propre déréliction, qui s’abandonne à ses passions les plus mortifères. Seuls deux ou trois titres montrent un aspect globalement pesant de prime abord, texte et musique ("Les Toiles", "À nos Moments perdus" et "Au grand Jamais"). Les autres sont effectivement très orientés uptempo !
Diriez-vous que ce nouvel album a – ou non – été facile à faire ? Avec le recul, que ressentez-vous aujourd’hui en récurrence, vous le trio, comme difficultés ou aisances dans votre processus artistique ?
Pas plus que les précédents albums, celui-ci n’a été difficile à faire. Quand l’envie et le plaisir sont au rendez-vous, tout est beaucoup plus aisé. Si ce n’était pas le cas, voilà longtemps que nous serions passés à autre chose. Notre processus créatif n’a jamais été envisagé comme une difficulté à surmonter. Avec le temps, tout est devenu plus fluide et nous ne ressentons jamais le sinistre syndrome de la page blanche. Ni labeur, ni douleur, ni conflit, les problèmes d’égo ayant été évacués depuis bien longtemps. Il nous est par contre impossible de composer un morceau sans support textuel préétabli. Le texte est une source d’inspiration pour la musique et les mélodies de voix et pas l’inverse, en tout cas chez nous. Patrick écrit donc de nombreux textes de son côté, ceux-ci sont adaptés à la marge lors des sessions de composition. Avant de commencer l’élaboration d’un album, de nombreuses bases rythmiques sont préparées et sélectionnées ensemble. Les mélodies de chant et les lignes de claviers ainsi que la plupart des structures sont inventées/décidées lors des sessions de composition à trois. L’auteur de la mélodie de chant est généralement celui qui chantera sur le titre final mais il arrive aussi que l’on propose sa trouvaille à l’autre et inversement si on en ressent la nécessité. Il est donc très exceptionnel qu’une session ne débouche pas sur l’élaboration d’un morceau presque abouti dans sa forme générale : couplet, refrain, instru, final… Pour compléter notre réponse à cette question et en prenant un peu de recul, il semblerait que notre facilité principale réside sans doute dans l’aisance que nous avons à trouver des mélodies de chant car c’est l’un des aspects primordiaux du groupe, même si nous ne sommes sans doute pas les mieux placés pour en juger !
Pour revenir sur l’aisance créative à laquelle tu fais allusion, nous avons composé dans la foulée des chansons de cet album huit autres titres inédits dans la même veine qui devraient accompagner la sortie d’un livre anniversaire des quarante ans du groupe (biographie, interviews…) que prépare actuellement le label espagnol Industrial Complexx. Composer vingt-et-un titres au total en un an ne nous a à aucun moment semblé ni laborieux ni contraignant… Nous étions même dans une espèce d’euphorie qui ne nous a pas trop, je l’espère, emporté dans les sphères d’une autosatisfaction par trop incontrôlée !
Sur Les Passions Tristes, et même si le son se fait plus dansant, il reste marqué par ce minimalisme qui fait votre marque. Vos essais/démos sont-ils parfois/en général plus riches en couches que les versions finales ou sur la globalité d’un processus de formalisation sonore, restez-vous dans ce minimalisme-là ?
Nous commençons à enregistrer dès la phase de création et la base ainsi trouvée demeure un support constant aux arrangements qui seront ajoutés par la suite. Les versions démos, si tant est que l’on puisse les nommer ainsi, sont donc par la force des choses moins riches que les versions finales. Mais les strates postérieures, qui viendront renforcer telle ou telle partie, qu’il s’agisse de chœurs ou de synthés, voire de percussions additionnelles ne modifient pas tant que cela l’ambiance originelle du morceau créé en session. Elles en soulignent juste le propos. Ce minimalisme auquel tu fais allusion, nous ne le ressentons pas toujours de la même manière. Nous avons même parfois l’impression d’en avoir trop rajouté !
Fonctionnez-vous à l’instinct lorsque vous composez ensemble, ou votre progression dans le travail implique-t-elle une verbalisation ?
Comme nous avons dans le cadre créatif une grande connaissance de l’autre et une tendance forte à exécuter des actes déterminés, chacun sait très exactement ce qu’il peut apporter individuellement au tronc commun et ce qu’il peut attendre de l’autre. On peut dire que la composition est devenue, de façon implicite, instinctive. Dans la phase initiale de création des morceaux, la verbalisation n’est pas primordiale. Elle devient plus importante lors des arrangements et du mixage, où nous échangeons sur les différentes options possibles et idées émanant de l’un ou de l’autre. Ce qui ne signifie pas que nous restions muets quand nous composons, loin de là et heureusement !
Avez-vous approché les nouvelles concoctions comme une sorte de jeu ? La composition est-elle un jeu pour vous ? Êtes-vous d'un tempérament joueur ?
Nous sommes joueurs d’une manière générale, deux d’entre nous ont d’ailleurs beaucoup pratiqué le jeu de rôle et de plateau. Mais qui dit jeu dit "règles" et il semblerait que nous n’en suivions aucune de bien établie dans l’élaboration de nos chansons, sans trop nous soucier d’un cadre musical aux contours très définis. Nous allons là où nous conduit l’inspiration du moment, ce qui fait que notre groupe a été depuis longtemps plutôt difficile à situer ou étiqueter… ce qui n’a pas toujours joué en notre faveur ! Sans doute obéissons-nous à une règle de composition implicite et intégrée depuis tellement de temps qu’elle en est devenue naturelle. La dimension ludique peut également trouver place dans les textes de Patrick, qui joue beaucoup avec les mots et qui parfois réalise de vrais jeux de mots au détour d’une phrase ou d’un titre de morceau, pastichant parfois certaines expressions plus ou moins surannées (D’une Pierre Deux Tombes par exemple) ! Le jeu comporte souvent une part de hasard et celui-ci nous entraine parfois dans des directions inattendues ou non-conformistes puisque l’on nous a souvent dit que ce que nous faisions ne ressemblait à rien d’autre. Ce qui peut se discuter. Mais il est évident que nous ne tombons jamais dans une autocensure dogmatique qui nous permettrait de nous raccrocher à telle ou telle chapelle stylistique existante. Composer, écrire, sont autant d’amusements et de défouloirs, même à l’évocation de choses graves. Opéra Multi Steel est finalement notre jeu de société familial, autour duquel nous nous retrouvons jusqu’à présent avec le même plaisir. Oserions-nous l’expression "home game" ?
Comment fait un certain Baptiste pour se retrouver sur "D’Arborescences" ? Qui parmi vous a eu cette idée (drôle) ?
Dans la phase finale de réalisation des morceaux, nous avons depuis notre tout premier maxi pris l’habitude de parsemer nos enregistrements de bruitages divers qui résonnent avec humour ou nostalgie avec des souvenirs personnels ou des références culturelles. Ils sont parfois les marqueurs de notre autodérision. Il n’y a pas de hasard dans la présence de ces bruitages sur tel ou tel morceau. Même si l’auditeur a sans doute parfois du mal à nous suivre, le lien existe pour nous, même s’il est parfois subtil, tenant souvent plus de l’association d’idées que du contextuel pur. La présence sans doute un peu inattendue du fameux Baptiste et de sa mère à la fin de "D’Arborescences" est un choix de Patrick, en lien avec des souvenirs d’enfance, rentrée des classes, et du traditionnel "demain l’école !" que nous lançaient nos parents les veilles de rentrée. De plus l’élocution désabusée du personnage qui fait des expériences quasi ésotériques en solitaire dans sa chambre sombre, relève certes d’un comique de premier abord, mais également d’une grande désespérance et d’un pathétique évident que viennent renforcer les cris de sa mère qui le ramènent à la triste et prosaïque réalité de la vie. Les bruitages viennent donc ponctuer ou renforcer le propos sans toutefois l’éclairer de façon évidente. Sur cet album apparaissent également sporadiquement de vieux enregistrements des Petits Chanteurs de Bondy, qui égrènent des comptines enfantines d’un autre âge, dont les paroles ne sont pas toujours aussi innocentes qu’elles paraissent et le vieil adage "Araignée du matin chagrin, araignée du midi souci, araignée du soir espoir" vient agrémenter d’une voix sépulcrale les trois phases du titre conclusif de l’album, "Les Toiles". L’espoir n’étant d’ailleurs pas ici énoncé par le locuteur de la façon la plus positive et enjouée qui soit !
Même si aujourd’hui – et depuis longtemps d’ailleurs – vous êtes un groupe "signé", il y a dans votre parcours, et jusque dans votre son, ce côté "débrouille". En quoi la phase DIY / Orcadia Machina a-t-elle pu vous armer pour la suite de votre parcours ? Qu’avez-vous appris de vous-mêmes à cette époque-là ?
Même si notre son actuel n’a heureusement plus rien à voir avec celui de nos premières K7 enregistrées direct deux pistes avec des moyens limités dans les années quatre-vingt, nous sommes restés effectivement fidèles à une approche relativement minimaliste et nous utilisons toujours volontairement certains vieux instruments qui contribuent à la signature sonore du groupe. La phase DIY a été la conséquence de la presque indifférence dans laquelle nous avons vécu nos tout-débuts. Nous devions nous débrouiller par nous-mêmes faute de trouver un support extérieur pour développer notre musique. D’où la création de notre propre label (Orcadia Machina) et les difficultés rencontrées à cette époque. Faire tout soi-même revient souvent à ne rien faire de façon satisfaisante. Ce qui fut le cas. Après de grands moments de joie ou d’abattements, et quelques albums dont nous sommes fiers, nous avions décidé d’arrêter après l’album Stella Obscura. Cette période nous a révélé à nous-mêmes une forme d’audace, de ténacité et a renforcé sans doute cette passion qui nous anime encore pour cette musique un peu atypique dans laquelle nous continuions malgré tout à croire. Suite à cela, nous avons d’autant plus apprécié le moment inespéré où un label, certes un peu lointain car localisé au Brésil, nous a enfin accordé sa confiance et nous a permis de ne plus nous concentrer que sur l’aspect musical et plastique d’OMS ; et qui surtout nous a acceptés pour ce que nous étions : paroles, imagerie, son et musiques.
Le groupe est revenu à sa formule trio originelle depuis l’avant-dernier opus. Qu’est-ce qui vous semble caractériser la chimie existant entre vous trois ? Qu’est-ce qui fait que ça marche ?
Dès le départ le groupe était une histoire de famille, nous avions vécu notre enfance /adolescence ensemble et le groupe a concrétisé de façon matérielle cette union fraternelle et conjugale. Commencée en trio, après de longues années de collaborations avec d’autres musiciens dont Eric Milhiet avec qui nous avons partagé studio et scène pendant trente ans, l’aventure nous a finalement ramenés à la formule d’origine et rien ne semble ternir l’alchimie qui nous a vu réaliser à ce jours treize albums et de nombreuses autres réalisations. Difficile de définir avec précision les tenants et les aboutissants de cette complicité. Nous sommes sur la même longueur d’ondes. Nos références culturelles sont communes et nous partageons plus ou moins les mêmes influences. Nous formons comme une équipe dont chacun des membres sait ce qu’il peut attendre de l’autre. Tout en étant polyvalents, nous sommes également complémentaires. Ce groupe est finalement le réceptacle de notre passé, et plus particulièrement de nos souvenirs d’enfance, de notre présent, de nos passions, de nos névroses et de nos obsessions. C’est sans doute la raison pour laquelle il nous est vital et indispensable car partie intégrante de notre vie, jusqu’à preuve du contraire.
Franck, comment comparerais-tu ta place dans les dynamiques internes que tu connais dans OMS et dans Collection d’Arnell-Andrea ? Quelles différences de niveaux vis-tu en fonction de ces cadres ?
Franck L : Voilà effectivement déjà longtemps que je participe en parallèle à ces deux formations assez éloignées stylistiquement l’une de l’autre mais qui ont pour trait commun d’avoir pu ou su se prolonger avec bonheur sur le temps long. Mon degré d’implication n’est évidemment pas du même type dans les deux groupes, de par la différence de fonctionnement de processus créatif qui existe entre eux ainsi que par la différence du nombre de membres les composant : trois pour OMS et sept pour Collection d’Arnell-Andréa, ce qui change sans doute un peu les paramètres…
Dans OMS, mis à part les textes, majoritairement écrits par Patrick, et qu’il nous arrive d’ailleurs parfois d’adapter ensemble, nous sommes dès le début impliqués dans la création des titres et en assurons et suivons collectivement l’élaboration du début à la fin dans la mesure, bien entendu, de nos différentes compétences. Dans Collection d’Arnell-Andréa, groupe avec lequel je joue depuis l’album Les Marronniers, chaque musicien apporte ses propres lignes, ses strates, à des bases de morceaux déjà bien définies au départ. Nous ne découvrons comment sonnent les morceaux au final qu’une fois le mixage terminé – mixage que nous pouvons par la suite amender de nos remarques ou ressentis personnels. En tant que musicien, le processus interne s’apparente donc plus à une optique d’arrangement que de création pure si l’on peut résumer cela ainsi.
Deux dynamiques différentes donc, mais un même plaisir à faire partie depuis un bout de temps de ces deux formations durables qui restent un peu atypiques dans le paysage de l’underground hexagonal et au-delà. En dehors d’OMS, jouer dans Collection d’Arnell-Andréa aura sans doute été l’une de mes plus belles expériences de musicien, tant d’un point de vue strictement musical que d’un point de vue humain. Le groupe a su pérenniser une esthétique très personnelle tout en la faisant évoluer au fil de ses différents albums sans rien perdre de sa cohérence originelle. Il suffit d’écouter successivement Un Automne À Loroy et Another Winter pour mesurer le chemin parcouru !... Mais peut-on à la fois être juge et partie ?
Quarante ans, voire un peu plus, en 2023. Quelques éclipses mais dans l’ensemble, un maintien qui impressionne. Qu’est-ce qui, depuis le début, vous semble avoir motivé cette constance créative d’OMS ? Qu’est-ce qui n’a jamais changé ?
OMS : Outre notre "fraternité", ce qui a motivé la constance créative d’OMS, c’est l’incontournable notion de plaisir ressentie dans l’élaboration d’un projet commun, ce sentiment diffus de donner à nos vies un accomplissement artistique, de laisser une trace, même si nous avons clairement à l’esprit la vanité que ce genre de quête peut revêtir. Nous avons toujours eu soif de connaissance, d’anecdotes, de musiques, de peintures, de cinéma, d’Histoire et d’histoires… Nos albums, tant au niveau visuel que sonore, sont le reflet de tout ce que nous avons découvert au fil de ces années et que nous avons eu envie de partager avec ceux qui adhéraient à notre esthétique hétéroclite et parfois iconoclaste. Ajoutons-y l’amour de la langue française et des mots tout simplement, qui dès le départ nous a fait opter pour notre langue plutôt qu’une autre, l’anglais pour ne pas le nommer. Nous sommes d’ailleurs conscients d’utiliser parfois des mots en voie de disparition ! Utiliser le français d’une manière où le sens s’efface parfois derrière les mots est l’une de nos marques de fabrique, et pas la plus vendeuse !
Le fait d’avoir participé à d’autres projets parallèles dans des styles très divers (O Quam Tristis…, 3 Cold Men, Tiramist…) loin de nous éloigner de notre projet initial, a au contraire permis de nourrir et d’enrichir OMS de ces différentes expériences. Même s’il existe indéniablement une constante, voire plusieurs, dans notre démarche musicale, nous n’avons pas le sentiment d’avoir fait treize fois le même album. Chacun d’entre eux est l’instantané d’un moment de notre vie, vie qui n’a jamais été ni linéaire, ni figée.
Ça fait quoi d’avoir quarante ans ? Vous le vivez bien ?
Catherine Marie : Ces quarante ans, rapportés au plaisir créatif et au bonheur ressenti, furent assez incroyables. Le revers de la médaille, c’est que nous n’aurons plus maintenant devant nous le même nombre d’années pour nous exprimer… hélas !
Franck Lopez : Musicalement, je le vis plutôt bien. Qui de nous trois eût parié à nos débuts que nous ferions encore de la musique aujourd’hui ? Sauf incident de parcours, j’espère que le groupe survivra à cet anniversaire et que nous pourrons donner une ou plusieurs suites à ces Passions Tristes. D’un point de vue strictement humain, par contre, le temps qui passe est toujours un sujet de nostalgie, voire de mélancolie parfois profonde. À nous de nous saisir encore, comme nous l’avons toujours fait, de ces émotions ou ressentis pour en faire des moteurs d’inspiration. Avoir pu s’exprimer sans contrainte artistique d’aucune sorte et avoir trouvé des soutiens (certes peu nombreux à nos débuts) pour faire perdurer notre passion tout au long de ces années est sans doute le plus beau dans cette histoire. Vu notre "inconformisme" congénital, ce n’était pas gagné d’avance !
Patrick L. Robin : Pour ma part je n’ai pas encore réalisé ces quatre décades prodigieuses. J’ai beaucoup plus regardé la force du destin et du passage des années terrestres sur mon reflet dans le miroir que j’eusse préféré sans tain ! Par contre, quarante années de création, c’est beaucoup trop court. Nous aurions bien encore besoin de vingt ou trente années supplémentaires pour dire tout ce que nous avons sur le cœur ! Je regrette que nous n’ayons pas pu produire un album chaque année pour avoir une discographie plus importante ! Le hasard faisant parfois des choses qui peuvent paraitre étonnantes, le meilleur est peut-être à venir ?...