Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Livre
20/06/2019

Patti Smith

Devotion

Éditeur : Gallimard
Genre : journal-nouvelle
Date de parution : 2018/11/01
Posté par : Klär T.

De la nécessité d’écrire "pour ne pas vivre simplement"
Musique, écriture, photographie, l’univers artistique de Patti Smith est un creuset où tout n’est que collisions, à l’image de Devotion, son dernier ouvrage.   Huitième opus d’une production littéraire nourrie et démarrée voilà plus de vingt ans, l’ouvrage tient de la déambulation méditative et modianesque sur le processus d’écriture. Composé de notes autobiographiques qui ceinturent une nouvelle (éponyme), Devotion est l’occasion pour Patti Smith de s’interroger sur ce qui la pousse à écrire. Cryptique est la structure de l’œuvre, chamanique est l’esprit qui préside à la démarche.  
 
Le voyage a toujours nourri l’esprit et l’inspiration de Patti Smith.  À l’instar de M.Train, son précédent ouvrage, Devotion est aussi une pérégrination, un mouvement du corps et de l’esprit. Du corps d’abord, parce que l’œuvre a été écrite entre Londres, Paris et le Sud de la France : ici on pénètre avec l’auteure dans un salon feutré de chez Gallimard, là on se pose au mythique Café de Flore, plus loin on flâne dans les rues parisiennes, puis changement de décor, on arpente les allées d’un cimetière à Sète, pour enfin partir à la rencontre de Catherine, la fille d’Albert Camus…
Si Patti Smith traverse la vie en fouillant le verbe et en capturant des bouts de réel, elle aime convoquer des plumes à pedigree comme celle de Modiano ; elle aime aussi en ressusciter d’autres pour leur rendre hommage : James Joyce, Naborov, la philosophe Simone Weil. Toutes ont croisé son chemin littéraire, toutes l’ont nourrie, toutes l’accompagnent dans cette « obsession créatrice » qui l’anime compulsivement tout au long de l’ouvrage.
 
Mouvement de l’esprit, Devotion l’est aussi, à l’image de ce processus d’écriture flottant dont l’auteure confesse ne pouvoir en expliquer ni le cheminement ni la destination, seulement la nécessité.
On accompagne volontiers Patti Smith au fil de cette déambulation, au cœur de cet ensemble hétérogène énigmatique qu’est Devotion : on se laisse guider jusqu’à Ashford dans le Kent sur la tombe de Simone Weil, on se pique de curiosité pour l’histoire de cette patineuse que l’ambition jusqu’au-boutiste va pousser au crime, on ressent la fébrile félicité de l’auteure découvrant à Lourmarin le manuscrit original du Premier Homme d’Albert Camus…
Il demeure néanmoins un sentiment diffus et une interrogation une fois l’ouvrage refermé : Devotion est-il donc un récit hypnotique ou une partition narcissique ? Peut-être les deux à la fois… never mind, la trajectoire de vie hors norme et le charisme déjanté de Patti Smith justifient eux-mêmes déjà la légitimité de l’imprimatur.