Enregistré sur la période 2020-2021, Ecatombe fait partie de la famille des disques dits "du confinement". Ce semblant de catégorisation apparaît en filigrane des mots du protagoniste principal, Eugenio Mazza : le quatrième opus de Pavor Nocturnus se nourrit d’une période de vie comme atrophiée, anesthésiée par cette obligation de l’isolement faite à tout un chacun : une réalité vécue dans une grande partie du continent européen comme dans moult autres espaces du monde. Vécue diversement et qui pour certains a impliqué la perte, la douleur.
Ecatombe trace un malaise, difficulté à vivre ce quotidien au cœur duquel ne se dessine aucun horizon clair, et où subsiste difficilement l’espoir de retour à quelque vie "normale" que ce soit, comprenez la vie "d’avant". Ecatombe, c’est la bande-son des lignes floues, de ce continuum des chiffres de la mortalité, de leurs dents de scie. Un quotidien envahi par l'actualité de la pandémie et infusé par l’angoisse que provoquent le bruit des médias, leur incessant relai de la statistique et des chiffres. Plus qu'éclairer, ils brouillent les quelques repères qui restent. Comme un dôme de verre, que le discours de la science arrive difficilement à percer, d'autant que grouille en concurrence l’informe bruit de ces réseaux asociaux où s’écharpent ces animaux qui ne supportent plus rien. Vivre ensemble, une perspective qui s'éloigne. Ouvrir les fenêtres, respirer, il reste au moins ça.
Le projet milanais, avec ce quatrième opus, présente une collection de dynamiques et d’ambiances au charbon. Cette noirceur, qui caractérise l’œuvre dans son ensemble, fixe une mémoire de l’émotion. Les atmosphères sont celles de l’appréhension, traduisent une anxiété (l’interlude "Supplica"). Exigeante et filmique dans sa forme (les fluctuations de "Maleficio", exercice de style et splendide introduction) mais accessible à l’écoute, le cru 2023 décline des designs sonores tout en introspection face à cette fermeture que le monde s’impose à lui-même le temps d’une incertitude scientifique, sanitaire, politique. Tintement des cloches, bruits de synthèse aux épaisseurs qui oppressent : la bande-son d’une angoisse vécue par Eugenio, vécue par la multitude.