Potochkine arrive un peu après la bataille en terme de sorties. Le duo existe formellement depuis la reprise de "Mon Légionnaire" en 2014 (passages sur Le Mouv') puis l'irruption de Libérez Votre Imagination en 2016. Il génère une chanson cold-synthétique qui prolonge les traces de Vive La Fête ! et Sexy Sushi, mais sur un mode plus technophile à la Rue Oberkampf. Eux citent volontiers D.A.F. et Fad Gadget.
Pour refaire son retard (après un énorme disque digital compilant leurs bandes-son pour des spectacles, Mythes, 2019) ; pour enfin capitaliser sur des performances intéressantes et une voix qui sort du lot, ils font appel à une série de remixes quelques mois après leur récente sortie, Sortilèges. Ils ont alors élu domicile chez le spécialiste des associations de musiciens : le label Unknown Pleasures Records. "Les Chevaux" est ainsi dépouillé de ses rythmiques, mettant la voix plus en avant, sur des tonalités plus travaillées, plus expérimentales ; le travail de Commuter se place dans une sorte d'attente fébrile ; si on perçoit mieux les paroles et la puissance vocale, en revanche on s'ennuie un peu.
"Sauvez-Moi du Chaos" est le titre qui sonnait le plus Sexy Sushi de l'ensemble. SDH en propose une version au noir accentué, typée hellektro avec les saturations synthétiques de rigueur et quelques riffs de guitares judicieusement placés. C'est convenu, certes, mais efficace. "Pogo" se situe dans le même esprit dansant tapageur, le remix se fait plaisir mais sans changer la donne. Le "Calling Marian remix" du titre "Eros" est encore plus boom-boom, dénaturant peut-être trop cette fois-ci l'atmosphère originale pour en faire un titre plus combattif et agressif. C'est Baudelaire qui doit se marrer.
"Tandis que les Chiens gueulent" est l'un des titres qui m'a tapé dans l'œil avant cet album de remixes. Les volutes du chant de Pauline-Polly me rappellent avec efficacité les délires vocaux de Les Elles (je pense à "La Chatte de M. Clock"). HIV+ triture le titre, éloigne une grande partie de ce qui en faisait la beauté, ne gardant que cette ligne mélodique imparable ; il place le reste sous le mazout et les percussions. Evolutif, le titre s'éloigne du format chanson qu'il taquinait pour devenir une excursion plus sombre. Plus loin, HIV+ modifie également "L'Intelligible", un titre qui bascule d'une ambiance Sexy Sushi (il faut vraiment prendre le temps de redécouvrir la fin de ce projet avec le double Vous N'allez Pas Repartir Les Mains Vides ? de 2013) à une veine plus cold à la Zola Jesus période "Night" (Stridulum II) : ceci met bien en valeur la ligne vocale avec des distorsions et bruitages noise-indus réussis.
Maman Kusters s'attaque au titre qui est le plus répétitif de l'album original avec son refrain tapageur. Il ajoute sa voix de mâle pour composer un duo attentiste et référencé (on pense à du Gainsbourg qui aurait trouvé une partenaire à sa hauteur perverse). Le rythme est roboratif, un clavier tente de s'élever, mais tout semble collé au sol, aplati, raide. Sortilèges Dans Le Club ? Hum... un délire loin de l'esprit clubby et sympatoche que proposent les lascars, c'est une boîte interlope qui ouvre ses portes. J'apprécie La Main et ils ont choisi un titre que je pensais n'avoir pas remarqué tant "Préférer se taire" est ici sublimé en un délicat morceau de pop mélancolique. J'en viens à réécouter l'original... Ah oui, effectivement ! On avait un rythme imparable qui planquait en partie ce qui se disait, une jolie guitare new wave et c'était un espace important du disque ! Très étrange comme ce remix réussit à créer un morceau totalement différent...
Avoir changé l'ordre des titres offre aussi une respiration autre puisque l'agencement redéfinit les contours et permet d'approfondir.
