L’histoire se retourne parfois sur elle-même. Parfois, c’est pour renaître (ou presque) : Corpus Delicti (1992-1997) a refait surface un temps, pour l’union de ses trois-quarts, à travers la première période d’existence de Press Gang Metropol. Trois ex se retrouvèrent, et les chansons furent (encore) belles. Puis le schisme. Certains ex-Corpus deviennent des ex-PGM, et c’est le retour au bercail des visions séparées (deux beaux projets : Kuta pour le chanteur Sébastien Pietrapiana, Curl pour Franck Amendola).
Aujourd’hui, Press Gang Metropol renaît de ses propres cendres : un nom qui se maintient par la volonté du fondateur Christophe Baudrion (basse new-orderienne). Lui s’est trouvé nouvelles cohortes. Mais si le nom reste, le risque est forcément de décevoir l’armée de ceux qui aimèrent les anciens : ce qu’ils faisaient sans doute autant que ce qu'ils représentaient, ensemble. L’autre risque : donner l’impression, simplement, de faire vivre une marque. En résumé, le plus dur est devant : faire naître une chimie.
Il ne reste pas rien du passé récent : Baudrion, à la manœuvre depuis 2015 pour la reformulation de PGM, doit avoir les idées bien claires pour nous faire dire qu’il existe une ligne entre ce que faisait le PGM première génération et les fruits de la nouvelle mouture. Cette dernière implique d’abord un autre Sébastien au chant et à la guitare (Sébastien Bernard, ex-Artefact et ancienne connaissance de Christophe). Des textes personnels (Baudrion laisse de la marge) et une voix dans le canon attendu : médiums graves naturels, un certain élan. C’est senti, sobre, et surtout crédible. Sébastien a voulu le faire, a trouvé la voie et tire in fine son épingle du jeu.
La batterie extrêmement sobre de Fabrice Gouré (premier chanteur de PGM post-Pietrapiana) offre fondation solide. Autour, musicalement, ça s’active, sans rupture de style ouverte par rapport à ce que fit l’ancien groupe. Main de fer ? Les musiciens parlent eux-mêmes de Baudrion comme d’un leader, la messe est dite. Michel Seasseau (seconde six-cordes) trouve Sébastien : les guitares s’entendent. Un point rassérénant, et qui battra en brèche toute crainte du tâtonnement, de la perte de style ou d’identité.
Sur la globalité, c’est soigneux. Sébastien Dandreis, à l’œuvre sur le son de l’EP trois titres Vertigo, est de retour pour son successeur. La première partie de l’album renvoie quelque chose de légèrement plus concentré mélodiquement. Elle nous intéresse un peu plus que la seconde, pas dépourvue d’attraits non plus ("Vertigo"). Certains moments sont chimiques, purement. Un signe que quelque chose s’installe, existe. Si toutes les mélodies ne marquent pas de la même manière, il y a une sidération à constater le naturel flamboyant d’ "Eternally" : certainement l’une des chansons les plus prenantes de l’album, et dont le mix final resplendit. Un élan, un abandon, de belles choses là-dedans. Une essence qui se formule. D’autres chansons, quoique moins sidérantes, offrent signature maîtrisée ("Empty Playground", réminiscence de vieux Interpol et autres Editors première période). Le chant, à la fois retenu et cathartique, trouve belle respiration sur "Outshined" et quelque chose est en cours : ce groupe-là construit sa propre histoire, il a déjà quelques chansons "repères". Ce faisant, il se donne une épaisseur : là il trouve urgence ("MMT"), ailleurs évoque le nécessaire dépassement de l’angoisse, de l’horreur ("With our Love" trouve son origine dans les attentats de Nice).
Au bilan, pas d’éparpillement : éléments de style, substance, identité en redéfinition. Dans les basses de Baudrion demeure un référentiel qui ancre PGM dans une certaine histoire… et si ce groupe n’est fatalement plus le même, il pose les bases d’un futur possible sans faire table rase. Les disques de transition peuvent être des disques importants.