Rafael Anton Irisarri est l’un des noms les plus remarquables de la scène ambient depuis les années 2000. Chantre d’une musique sobre et cinématique, l’Américain, par ailleurs boss du studio new-yorkais Black Knoll, nous propose ici une galette fidèle à son art exigeant.
Irisarri découpe cet album en six plages puissantes, au son extrêmement intense. Solastalgia porte pleinment le concept éponyme développé par le philosophe Glenn Albrecht, à savoir un sentiment de détresse face aux changements climatiques et au désastre environnemental.
Ode à la nature sauvage et aux grands espaces, Solastalgia est un opus profond, brillamment illustré par le clip de "Coastal trapped Disturbance", tourné en Islande par Sean Curtis Patrick. La musique nous entraîne dans un monde organique mystérieux et déroutant, à la fois lumineux et sombre. La clarté s’impose, mais se heurte à des incursions noisy maîtrisées, renforçant le sentiment d’être confronté aux éléments bruts. Quelques motifs dark surgissent donc ("Decay Waves"), mais s’envolent assez rapidement, car l’ensemble reste néanmoins résolument optimiste. Sans forcer son talent, Irisarri propage une certaine quiétude grâce à des nappes élégantes, émaillées de drones denses, tout en conservant un schéma crescendo/decrescendo jouissif (cf. "Decay Waves", "Coastal trapped Disturbance", "Black Pitch"). Il nous alerte sur la catastrophe écologique en jouant avec nos émotions et, par l’intermédiaire d’une production solide, nous implique totalement dans le processus d’écoute, une forme de deep listening abouti ("Kiss all the pretty Skies goodbye", évoquant Alio Die). Les sources sonores étant traitées avec soin pour tisser des textures fortes et dynamiques, le musicien nous fait quitter notre morne quotidien en diffusant une magie hypnotique. Irisarri prouve une nouvelle fois que l’ambient peut être une musique habitée, malgré un propos foncièrement minimaliste. Une beauté pure émerge de ces trente-huit minutes de sonorités délicates, et on aurait tort de s’en priver !