Sixième vrai album qui aura mis cinq ans à sortir. Rivkah a commencé en 2006 avec Walking Our Dogs, puis les titres se sont enchaînés : Second (et son pendant Covers en 2009), Curly Songs (2011), Shara (2013), biRthdayz (2016), assortis de tirages plus confidentiels pour les fans et amis (la fanbase), ainsi Versions et Revisited (2011 et 2014). Co-écrit avec Ronan Yvon (lauréat du festival Jazz à Montmartre et fondateur de Popinsko), Duet explore les nombreux sentiments de ces dernières années. La musique a gardé les ouvertures de biRthdayz, multipliant les expériences dans un même album. Dès "Unfortunate Meeting", les lumières crépusculaires de l'americana baignent la voix de Rivkah. On les retrouvera, encore plus noires sur le très beau "Lady of the Sorrow", qui se pare de petits larsens, comme des coups de griffes au destin.
En revanche, la joie irradie "We" et son clip, dédié à la fille de l'artiste. La mélancolie reste cependant présente, teintant de sépia (les cordes, la délicatesse surannée...) le présent, comme s'il fallait passer par la conscience de la fuite irrémédiable du temps, instant par instant, au moment où l'on vit quelque chose de fort. La musique bouscule elle aussi la temporalité, s'inscrivant cette fois dans une folk seventies, légèrement décalée par les arrangements. "Do I do wrong" se rapproche de Nick Drake. "Growing" se la joue gospel folk avec une façon de chanter proche de celle de Lou Reed, avant l'insertion d'enregistrements des rires et gloussements de l'enfant, une formule répétée sur "For You". La voix est captée à la perfection, entre récit et vagues poétiques. "Just as well" oppose des voix superposées et graciles (marque de fabrique depuis au moins "Swimming Pool" en 2011) à des rythmiques qui se font progressivement plus farouches et rudes, le long d'une composition bien construite et variée dans ses mouvements.
La progression des possibles est assez stupéfiante, au point qu'on a parfois du mal à reconnaître l'ancienne Rivkah dans ces jeux et nouvelles idées. La tessiture a gagné en assurance, jouant davantage de la gamme, ne se contentant plus de la voix de tête. Par contrecoup, les titres plus faibles pâtissent de cette hausse qualitative : ainsi "Weird" et "For You" s'écoulent avec trop d'évidence (malgré là encore des idées d'arrangements bien rendues) et on regrette l'absence de dynamiques plus pop (comme le remarquable "Heads or Tails" du précédent). Il demeure que ce disque attendu fonctionne et plaît, l'artiste ayant sa personnalité, entourée des collaborateurs (JL Cayzac, Franck Chenal, Greg Jolivet, Mana Chabbey) et jouant une fois de plus la carte du financement participatif.