JeROME Reuter a décidément de la ressource ! Déjà ébahis par Le Ceneri di Heliodoro (2019), on découvre les oreilles écarquillées ce Lone Furrow. Jusqu’où le Luxembourgeois va-t-il aller ?? Production impeccable, invités prestigieux, élans poétiques autant que mystiques, en treize compositions l’auguste barde nous fait rêver, pleurer, hurler… "Masters of the Earth" sert d’introduction poignante à cette bande-son d’un monde moderne impie ; Reuter invoque Tony Wakeford de Sol Invictus, lui-même inspiré par Julius Evola dans son rejet des valeurs actuelles. On s’émeut facilement tant l’intensité apportée à chaque morceau est impressionnante (petit bémol tout de même pour l’interlude "Making Enemies in the new Age"). Ici, le neofolk est transcendé. Les accords de guitare classiques du genre, accompagnés de percussions martiales sont très présents et magnifiés par le timbre chaleureux du maître de cérémonie ; mais ce dernier va plus loin. Secondé par Alan Averill de Primordial sur "Ächtung, Baby!" ou l’infâme Adam Nergal Darski de Behemoth sur l’excellente "The angry Cup", Reuter nous entraîne dans une cavalcade épique pleine de fougue et de romantisme. D’autres titres traditionnels comme "The Twain" (sans doute la meilleure pièce), "Kali Yuga über alles" ou "Obsidian" remplissent aussi parfaitement leur office : on contemple avec ferveur les ruines de notre âge sombre rongé par la déliquescence spirituelle et le capitalisme débridé. Constat amer, mais nous pouvons être sauvés par l’Art et la beauté. Cette dramaturgie s’exprime aussi nettement sur "On Albion’s Plain" et "Palmyra" (chanté en français), où s’expriment à la fois le désenchantement et la rage. On notera également l’utilisation judicieuse sur cet opus de spoken words multilingues, renforçant la narration musicale désespérée ; l’union réelle des nations nous sauvera-t-elle du naufrage ? Jerome Reuter n’a peut-être pas la réponse mais il sait mettre en musique ses tourments avec un grand talent.