Ce quatre titres de Sang Froid, projet nantais né en 2019, unifie en un seul bloc plusieurs formats courts parus sur la période janvier-octobre 2021 : le tout premier trois titres et le single "Death came to me". Les crises peuvent être ferment de créativité, or c’est par la grâce de la pandémie de Covid-19 que la présente œuvre a été couchée. De facto et aujourd’hui par ricochet, Sang Froid devient la toute première référence du nouveau label Black God Records.
Enregistré au studio Drudenhaus (terrain de jeu de l’ex-Anorexia Nervosa Neb Xort, lequel s’est chargé de la masterisation), l’ensemble des morceaux concentre l’ambition d’un line-up réunissant des membres de Regarde Les Hommes Tomber (TC et JJS) et The Veil (Ben Notox). La vision s’est construite sur une base démocratique, partagée. La tonalité dramatique des compositions, ramassées, est à l’évidence de nature à toucher les oreilles qui vibrent aux résonances post-punk et gothic rock eighties. Les voix de TC, en conviction mais sans outrance de théâtre, s’inscrivent dans une lignée : celle de ces groupes qui dans les années 1980 trouvèrent en la gravité un support pour la suggestion des tensions intérieures ou pour l’observation des comportements (Play Dead, Sisters Of Mercy). Cela étant, lignée ne rime pas forcément - et c’est en l’occurrence heureux - avec refaire. Sang Froid opère dans un registre plus rentré et moins éruptif qu’un Red Lorry Yellow Lorry, et sa production prend des reliefs actuels et pas spécifiquement 80's. Les textes, quant à eux, font résonner une partition de désespoir liée aux violences ou à un sentiment de vacuité de l’existence ("We grandly failed / Towards our vices and scars / We daily sing / The psalms of the great void" sur "Psalms Of The Great Void"). Un fond classique, mais qui a son intensité.
Rien à jeter sur ce vinyle quatre titres, témoignant avec force identité de l’intention du groupe. Notre – légère – préférence va aux sons les plus en tension ("Heavy Sleep heavy Heart", flamboyant de noirceur, et "Psalms of the great Void"). Une vibration héroïque et urbaine nourrit la posture et avec ses premiers morceaux, Sang Froid pose de fortes bases. Les tourneries obsessionnelles et distinguées du rock gothique ont certainement nourri ces guitares économes, enveloppantes et suggestives. En elles, vous ressentez la culture d’un genre : un référentiel pétrit fond et forme, sans qu’il les encombre. Le trio a développé une personnalité, qui se matérialise jusque dans la conclusion de l’EP : "Death came to me", dernier morceau sorti par chronologie en 2021, conclut assez logiquement le parcours. Avec le soutien au chant (discret dans le mix) de Dolorès, Sang Froid appréhende l’hypothèse de la fin par les honneurs ("Death came to me / Like an old friend of the family / Death came to me / It's all about, it's all about dignity").
Au fil de ces quatre titres se raconte l’histoire d’une identité qui s’est affirmée dans un premier temps en mode do it yourself. Cette conviction, ouvertement exprimée, met en appétit pour le futur. Au groupe comme au label, Obsküre souhaite longue vie.
