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Album
11/07/2022

Satyricon

Satyricon & Munch

Label : Napalm Records
Genre : musique & peinture / illustration sonore / black metal hors carcan / expérience de cinématographie intérieure
Date de sortie : 2022/06/10
Note : à mettre vous-même
Posté par : Emmanuël Hennequin

À Oslo, le Musée Munch inauguré en octobre 2021 (treize étages pour 27 000 mètres carrés, presque 30 000 documents, plusieurs centaines de salariés) expose l’œuvre d’un homme dont l’influence en Norvège et par-delà reste d’une évaluation malaisée. La collaboration mise en place entre Satyricon et l’administration dudit Musée ne s’en remarque que davantage. La musique composée par le groupe norvégien (pour ne pas dire essentiellement Satyr) pour l’exposition activée sur un tiers de l’an 2022 est fatalement... atypique. Atypique dans sa nature même : une musique d’illustration et d'interaction avec les images, présentée par Napalm Records comme une expérience inédite de musique contemporaine, "monumentale et intime", avec la participation d’Eivind Buene. Et ce son vient au soutien des visions hallucinatoires de Munch, visions de l’esprit telles que sélectionnées par Sigurd Wongraven, alias Satyr.

Ce morceau, d’une durée de presque une heure, forme invitation en forme de puzzle. Il s'y produit récurrence de motifs, et le résultat n'est pas hermétique. Les cordes, d'ailleurs, y créent des moments parmi les plus posés... et digestes. L’ensemble, magnétique et d’une insidieuse noirceur, ne s’inscrit pas dans les pleins canons du son du groupe, mais il y demeure un corpus harmonique. Il est dans l’esprit des guitares, dans la mélodicité. Satyricon reste au fond ce qu’il est mais les cordes et vents, actifs, alimentent autrement une esthétique de l’angoisse, de l’interrogation. La voix de Satyr reste quant à elle totalement absente de l’expérience proposée, ce qui donne à voir un tout autre visage du potentiel créatif de la marque Satyricon : une quête tout en ambiance, susceptible de désarçonner les adeptes attachés à la dimension physique et aux brutales âpretés du projet black metal.

Les profondeurs appellent les profondeurs, et cette pièce méditative porte en elle une tension susceptible d’ouvrir appétit pour l’œuvre du peintre. Sans tomber dans le dark ambient (la fluctuation des formes dépasse cette catégorisation), cette presqu’heure de musique offre sans doute une occasion qui restera unique aux amateurs de musiques drone et orchestrale, de se familiariser avec les atmosphères lugubres et dérangées de Satyr et Frost. Ce travail, assurément, clivera, car il n’est fait pour conforter personne : ni les adeptes du groupe, ni les autres… et c’est ce que méritait, sans doute et au plus profond, l’œuvre de Munch, ces tableaux qui "flottent sur le mur" dans ce noir qu’a imposé Satyr au sein des espaces dédiés du Musée.

Pour autant, dans le son, Satyricon ne tombe pas en pleine radicalité expérimentale, ce qui a pu et pourra encore lui être reproché par les observateurs / critiques les plus exigeants ou intransigeants. Mais la musique, en soi, reste-t-elle autre chose qu’une expérience de l’instant ? Notre parti-pris, en l’occurrence, est d’aborder les choses le plus simplement possible. Alors prenez ce puzzle sonore, ce mix de techniques qui fait point de jonction entre la création graphique de Munch et ce travail spécifique de Satyricon, comme une expérience. Soit vous acceptez pour ce qu’elle est cette expérience de l’œil et l’oreille intérieurs… et l’éprouverez, la vivrez ; soit vous passerez simplement à côté de quelque chose qui, sans être inatteignable, a su rester osé et atypique : un black metal assujetti à zéro limite… ce que dans sa nature il doit être, dixit Wongraven.