C'est un réel plaisir que de se dévoiler titre par titre un nouvel album de Sex Gang Children. Depuis Viva Vigilante (2013) et un Achilles In The Eurozone sous le seul nom d'Andi en 2015, tous deux passés inaperçus, on guettait un vrai retour gagnant.
La voix d'Andi, si caractéristique, n'a pas vieilli et elle a pris de belles profondeurs ces dernières années (par exemple pour le duo pour "Kriminal Tango" de Deadfly Ensemble sur le premier album). Les compositions sur ce nouvel album gardent de la variété dans leurs arrangements et les constructions mélodiques font mouche, remuant avec facilité les émotions, sans pour autant se cantonner à un cadre trop étriqué ; ainsi, "Asia Divine" ne cesse de s'envoler et de jouer sur un ton badin bien élégant. Les mises en tension sont travaillées, associant plusieurs instruments et manipulant avec efficacité les ambiances (le flippé et drôle "Bang"). Les titres sont soignés, mesurés, jamais dans la réplique du passé mais suffisamment aventureux pour susciter l'étonnement. Je ne m'attendais pas à un tel cru. La folk se fait glam, amusée et sensible même dans le troisième degré ("Berlin Kiss"). Sans trop forcer le trait, on a ici un talent évident. Il est regrettable que ses productions ne soient pas plus mises en avant, diffusées via le label maison, à la fois dans un esprit DIY et, ne cachons rien, sans doute faute de mieux ; c'est pareille mise à l'écart inconsciente qui touche la grande Gitane Demone, en dépit du soutien de nos labels français.
Les plaintes et gémissements restent dans une tempérance qui crée davantage de beauté ("Seraphim Fall"). Les références donnent dans la dentelle parée d'EBM ; ainsi ce "Death Mask Mussolini" jouant du synthé roboratif en un clin d'œil à Deutsch Amerikanische Freundschaft. Un même traitement répétitif est servi avec "Masquerade", dure et trippant. On a aussi un titre qu'aurait aimé Peter Murphy ("Dead Pesants", parfaitement agencé dans la mise sur orbite de l'album), bien minimal, sombre et inquiétant. "Puritan Now" évoque le Siouxsie de "Metal Postcard" avec un break pas loin des Virgin Prunes. Les détails (un tom ici, un riff appuyé là) montrent une lucidité dans la manière d'aborder la musique.
Ce disque politique est terriblement anglais ; plusieurs fois, on sent un esprit Public Image Limited ou Killing Joke dans les formes ("Masquerade", "Puritan now". Le groupe affirme ainsi en promotion : "Méfiez-vous du danger de la conformité, et de la médiocrité qui nous rendent aveugles." Espérons donc que ce Oligarch, marqué par une critique violente de notre société au bord du gouffre ("Cannibal Lives"), soutenus par les écrits d'Orwell et Huxley, gagne un bel écho : il en a les capacités.