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Album
07/10/2024

Sinistro

Vértice

Label : Alma Mater Records
Genre : spleen metal / doom metal filmique / post-metal
Date de sortie : 2024/10/04
Note : 80%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Sinistro ne fait pas les choses à moitié sur Vértice. Le quatrième album studio des Portugais, successeur de Sangue Cássia (2018) témoigne d’un premier changement d’importance : les guitares demeurent certes, mais le line-up a fondamentalement évolué ces dernières années avec l’arrivée du bassiste Pedro Do Vale et de la chanteuse et femme de théâtre Priscila Da Costa. Priscila prend le relais des forts bons services rendus par Patricia, et ses apports vocaux renouvellent la chair du quatuor. Ce qui ne change pas avec l’arrivée de Da Costa, c’est la poursuite par Sinistro d’une optique plus classique de travail et d’intégration du chant, par comparaison avec un passé (avant l’ère Andrade) où la voix avait pu être envisagée comme une matière parmi d’autres, quitte à n’en faire qu’une ornementation narrative.

L’approche vocale de Priscila a le grain dramatique insufflé auparavant par Andrade et creuse donc le champ ouvert par elle. Tout en sensibilité, la nouvelle frontwoman donne au groupe à se rapprocher des contrées émotionnelles visitées par des groupes tels qu’Ava Inferi, The Gathering (période Mandylion / Nighttime Birds) ou encore The Third & The Mortal. La prestation est d’une force de conviction spectaculaire. Elle intègre une forme où les guitares de Sinistro, pénétrantes, couchent une collection de structures étendues (entre sept et dix minutes chacune, zéro format single radio) et de grande sensibilité : la musique est à la fois puissante dans ses masses, physiquement et au premier sens du terme, et leur profondeur émotionnelle saisit. L’écoute, à répétition, nous fait dire que Sinistro - qui par le passé a marqué tout un auditoire au point de susciter l’intérêt des programmateurs du Roadburn – entame avec Da Costa une nouvelle page de son histoire.

Mais cette musique n’est pas que de lourdeur et de tension, elle cherche à gagner spatialité et dégage une puissance intimiste : les voix transportent une émotion non feinte, renforçant de facto l’impression de puissance. Le groupe a nourri son nouvel art d’un certain nombre de questionnements voire de conflits ayant traversé et tendu le monde à l’époque de la pandémie de Covid. Vértice est un disque "post-Covid" à divers sens du terme, et Sinistro reste une éponge : depuis que le chant a imposé des façons plus traditionnelles dans le son, les questionnements existentiels ont ouvertement percé dans ce sound designe. 

La musique reste aussi "genrée" par sa lenteur : le doom, en lequel Sinistro maintient ses penchants filmiques, prend ces allures sabbathiennes que vous retrouveriez chez un Avatarium ("O Equivocado"). Patient travail d’ambiance que celui de "Perfeita Encenacao", qui donne une respiration au disque, et ouvre une phase finale où s’épanouit la recherche de climat. 

Dans le nouvel opus de Sinistro, se produit alors comme une magie : le groupe renouvelle une chimie collective par un son plus maîtrisé que jamais et au récit équilibré dans ses intentions. Une force de style se maintient avec brillance, sauvée par le haut de tous ce que les aléas vécus ces dernières années par le monde auraient pu emporter.

Tracklist
  • 01. Amargura
  • 02. Elegia
  • 03. Pontas Soltas
  • 04. O Equivocado
  • 05. Perfeita Encenação
  • 06. Templo Das Lágrimas