Si on nous avait dit il y a quinze ans, à l’heure ou Sólstafir commençait tout juste à gratter la brèche, que l’offre de metal extrême en provenance d’Islande serait quasiment surnuméraire en 2019… Le temps a fait bouger les lignes, et il faut reconnaître qu’on peut s’en féliciter dans l’ensemble.
Quelques semaines après que Svartidauði ont saboté le réveillon avec leur tortueux parpaing Revelations Of The Red Sword, la réplique sismique de leurs "petits frères" Sinmara passe la deuxième couche. Pareillement doté d’un son austère, charbonneux et musclé, très marqué géographiquement donc, Hvísl Stjarnanna se singularise toutefois en plusieurs points, dont une écriture moins portée sur la dissonance, privilégiant des entrées mélodiques fortes. Il s’agit, voyez, de s’intoxiquer sans retenue avant de plonger dans la matière.
L’album fore dans les origines mêmes du groupe, se concevant en quelque sorte comme un cantique à Sinmara, figure eddique, gardienne de l’épée légendaire Laevatein. Elle est généreusement représentée dans l’artwork, au demeurant éblouissant. Cette révérence se ressent de manière prononcée dans la musique, à travers des guitares à la fois incandescentes et très pures, dont les riffs souvent harmonisés se tordent en spirales comme un magma en voie de vitrification. Équilibre et élégance. La batterie navigue sobrement entre claquements telluriques et éruptions de double pédale. Cette dernière sert à compartimenter l’action et le fait avec une incontestable efficacité. Quant aux vocaux, ils souscrivent à la mode du gros brame désincarné qui donne juste envie de bégayer "oui, monsieur…" Tout se passe comme si les musiciens imposaient à l’auditeur vis-à-vis de l’œuvre la distance qu’eux-mêmes s’imposent vis-à-vis de leur "patronne". Planez tant que vous voulez mais ne touchez à rien.
Tout n’est qu’interprétation, nécessairement. Si Aphotic Womb (2014) était un exercice de style déjà solide, qui mettait Sinmara en très bonne position sur les radars, Hvísl Stjarnanna confirme un groupe qui tient désormais les événements à sa main, jusqu’à offrir, au bout du parcours triomphal, un duo de titres si chargés en charisme qu’on les voit déjà briller en vitrine d’ici quelques années, à l’égal d'autres séquences finales d'anthologie comme "Thorns of Crimson Death" / "Soulreaper" (Dissection) ou "Carnal Malefactor" / "Drink the Devil's Blood" (Deathspell Omega).