Quatrième album. La mue. En surface, les choses ont pris tournure tout autre et sous la férule de James Kent (alias Perturbator : arrangements, mix & mastering), Soror Dolorsa interroge sa propre identité. Tout sauf anodins, les récents changements n’y sont sans doute par pour rien : de l’intégration de Jean-Baptiste Marquet découle semble-t-il une chimie nouvelle, ce dont témoigne un sound design repensé sous le signe de l’épure : les guitares gagnent un cristal, tandis que cette musique maintient aspiration à provoquer l’ondulation des corps. Elle opère simplement dans des reliefs plus ouvertement synthétiques et une prégnante recherche de climat. Un son plus habité qu’il ne l’a peut-être jamais été.
Le paysage référentiel n’a pas spécialement bougé (les gens de Soror Dolorosa se sont laissés bercer par les mélopées des mouvances dark successives depuis les 80’s) mais le son, dans cette inédite épure, gagne une force émotionnelle. La démonstrativité n’est pas forcément le meilleur des hameçons. En se faisant moins ouvertement "rock", le groupe se dote d’un surprenant pouvoir d’envoûtement. La retenue pour laquelle a opté Andy Julia au chant emprunte les chemins d’une new wave à la fois suave et authentique, et optimise le service rendu à la musicalité du groupe actuel.
"Tear it up", en entrée, révèle une énergie nouvellement maîtrisée. Dans l’économie des effets, et sur tout le cru 2024, Andy fait passer son flow de l’effusion à la suggestivité. Le frontman opère en totale cohérence avec le reste des énergies, en convergence vers le au fil de climats et de mélodies s’avérant parmi les plus resplendissants de toute la discographie. La puissance de l’envoûtement ne court pas les rues, et cette invitation à la danse n’en est que plus tentante : "You’re giving me" ou "Red Love" vous appellent. Parfum de nouveaux classiques, guitares en suspension et poignante retenue du chant. À guetter en concert, au même titre que l’élan acidifié de "Broken Love", les élégants vestiges du rock.
Il y a eu une remise en cause, il y a eu de l’ambition. La présence de l’invité Nicolas Horvath parle (l’homme qui invita récemment Alcest à se réinventer pour une performance piano/voix) et la spatiale aération que James Kent a fait gagner au son, sont bien plus que des coups de polish. Les rêves ne cessent jamais, une chair palpite. Ce qui se cache provoque toujours plus le désir.