Spurv, le moineau norvégien au pépiement chantant et grave… Six hommes composent ce corps aérien, déployant des ailes tantôt graciles tantôt épaisses. En effet, le sextette d’Oslo parvient à proposer une musique variée, aux timbres élégants et sophistiqués. Avec Brefjære, la bande menée par le guitariste Gustav Jørgen Pedersen fait peau neuve. Le post-rock racé bénéficie ici de la présence de musiciens classiques et d’un chœur mixte. Une volonté d’amplifier l’émotion, suivant l’inspiration des tragédies grecques ou des oratorios baroques. Ce disque condense toutes les aspirations les plus novatrices du groupe. Fruit d’un travail de longue haleine, il a également été influencé par le déménagement récent de Pedersen à Tromsø, ville située au nord de la Norvège, au-dessus du cercle polaire arctique. L’environnement dépouillé et les paysages sauvages correspondent en effet pleinement aux sonorités que l’on découvre sur ce nouvel album. Tout commence avec "Krokete, rettskaffen", morceau lugubre qui s’avance dans un style dark ambient, propulsé par des cordes métalliques languides. On songe au départ à Desiderii Marginis, avant qu’une forme plus lumineuse jaillisse avec les parties vocales. Puis, les artistes sortent l’artillerie lourde. Guitares électriques en avant et tutti quanti ! "En brennende vogn over jordet" et "Som skyer" vrombissent. Un tonnerre de décibels, où l’on perçoit des bribes de math rock. Mais l’apaisement survient vite, lorsque le violon magique d’Inger Hannisdal intervient.
D’ailleurs, Brefjære alterne tout le long entre parties puissantes et recueillies ; un canon du genre. Nous retenons ainsi quelques moments de bravoure, comme "Til en ny vår", un titre épique, minutieusement construit pour donner le frisson. Les références pleuvent alors, mais bien sûr nous pensons alors à l’art délicat du tissage sonore des Japonais de Mono. Cette pièce de dix minutes s’apparente à une symphonie moderne, tout en crescendo et decrescendo où la joie demeure, portée par une réverbération sympathique. D’autres instants délicats parsèment cette œuvre en tout point réussie. La douceur de "Å vente er å endre", avec cette voix proche de Björk, émerveille. Son dénuement wyrd folk fascine, avant d’être secoué par des accords post-hardcore. Enfin, un petit bémol tout de même. "Urdråpene" s’embourbe dans une orchestration sinueuse où l’on côtoie même des cuivres. De déflagration en déflagration, l’attention baisse malgré une intensité metal assumée. Brefjære est un opus chamarré, d’une originalité bienvenue, avec ce feeling scandinave si caractéristique.