"Young Swesor" marque un tournant dans ce disque bigarré : un rythme enlevé, une voix et une intention qui ramènent aux jeunes années de Death In June, puis des effets, des jeux plus poussés pour montrer que l'hommage va plus loin qu'une copie. Death In June qui bénéficie ici d'une reprise de "Till the living Flesh is burned" l'un de ses premiers titres (premier album en 1983) et Swesor Bhrater en propose une vision à deux voix masculine et féminine, plus délicate dans son orchestration, noyant la temporalité et évacuant la rythmique martiale. C'est poignant. Plus loin, ce sera au tour de Sol Invictus de bénéficier d'une relecture au clavier et à l'accordéon (au lieu des cordes de la version originale) ; des légers sons de cloche et une voix qui flotte magnifient l'hommage rendu sur ce "In Days to come" fortement enrichi et... bien plus beau ! La qualité du son sur ces enregistrements impressionne par la comparaison qu'elle permet entre autrefois et maintenant. C'est propre et dense !
Autour de ces titres sémillants, une profusion d'idées et de développements qui vont dans tous les sens d'un registre dark-folk libéré des carcans fanatiques. Les changements multiples à la voix (July / Yule très envoutante sur "The Mood", VY capable de changer de personnalité) permettent ces variations stylistiques. "Tragédie" avec son chant en français maniéré rappellera Opera Multi Steel, même si la ligne mélodique ne travaille pas le médiéval (la guitare post-punk en notes aigres notamment fait des merveilles). "Sick Rose" est dans cette veine de folk-pop explorée par quelques-uns (je pense à Novalis par exemple). "I was in many Forms" s'oriente vers un new age racé, ramenant au Dead Can Dance à guitare acoustique et bigarré de Spiritchaser (ici le cuivre discret sert habilement l'ambiance). "Feu du Ciel" en introduction est un morceau bruitiste et contemplatif, qui évoque en fausse piste les propositions d'Étant Donnés. "To my Animals" est un slow second degré qui tient bien la route, amusant et riche à la fois.
Cette compilation a été conçue par Pedro Penas Robles lui-même (boss d’Unknown Pleasures Records), pour valoriser le travail de Swesor Bhrater mené par Victor-Yann Gand et Yule. "Alice" puise par exemple dans un rock cold magnifique, mais on aurait aimé l'adjonction d'une voix pour sublimer la partie mise en place sur cette ritournelle instrumentale, forte et puissante. Les orchestrations se succèdent elles aussi, modifiant les ambiances, comme cet accordéon pour "A Cradle Song" qui donne un tournant fin de siècle et qui se prolonge sur la relecture de Sol Invictus mentionnée plus haut. Avec "The Lover", clavier en première place et sons psychédéliques, le disque trouve une fermeture élégiaque et atemporelle : le travail de Sewsor Bhrater tend ici un fil avec les scènes rétro-prog' sans perdre pour autant sa forte singularité et sa pertinence.
Je connaissais Bruta Non Calculant et bien évidemment le groupe d'Alexandre Gand (Le Syndicat Électronique), mais grâce à cette compilation, il est temps de mettre en lumière Victor-Yann et Yule, alors que vient de sortir leur huitième long-format, Der Wanderer.
