TAT est un mystère hexagonal dark folk : une alchimie de mots et de sons acoustiques, étranges. Un feeling occulte, néoclassique. Obsküre a repéré le projet dès son émergence - c’était l’époque du premier album, Quinta Essentia (2006). Antoine Aureche, initiateur de la chose, a développé en parallèle de TAT un art musical protéiforme, sans lésiner en matière d’electro (le projet Operation Of The Sun). Valfeu est le dernier exemple, spectaculaire, de l’inventivité de notre hôte.
Ces derniers temps, suite aux derniers efforts communs d’Antoine et Desireless (le récent et très bel opus Guillaume, entre autres), l’entité TAT semble avoir été réactivée pour de bon. Après qu’elle a retrouvé la scène en 2019 pour un show lyonnais en première partie de Brendan Perry (Dead Can Dance), nous sommes allés puiser à la source aux fins d'obtenir quelque retour sur l’état des troupes et de l’art. Le futur est ouvert.
NOTA BENE : Les extraits du concert lyonnais de TAT sont à regarder ici en exclusivité (bas de page) pendant deux jours après parution de cette entrevue. Le concert en version intégrale sera envoyé dans les prochains jours à tous les inscrits à la newsletter Valfeu.
Obsküre : Ta dernière apparition live avant 2019 sous le nom de TAT date, si je ne m’abuse, de 2014. C’était à L’Usine, à Genève. Qu’est-ce qui, concrètement, amène aujourd’hui au retour de TAT sous le nom TAT Resurrectio ?
Antoine Aureche : J'ai joué quelques rares concerts en solo jusqu'en 2014, mais le projet était malgré tout quasi-dormant depuis la parution de Testament en 2010 (NDLA : le dernier format long en date). C'est cette invitation à ouvrir pour Brendan Perry qui a motivé la résurrection : grand admirateur de Dead Can Dance devant l'éternel, il m’était impossible de refuser pareil honneur ! Pour ce show, un nouveau quatuor s'est formé avec mon compagnon originel, Le Chiffre, les forces neuves de Diabolus in Viola à l'alto ainsi que Nevah, dont la voix anime déjà le Faust de Valfeu. La Ville de Lyon a labellisé l'initiative 40 ans de Musiques Actuelles à Lyon, ce qui était une motivation supplémentaire. J'espère que TAT se consumera encore de nombreuses fois à sa propre flamme, pour naître à nouveau.
Il semble qu’en 2017 traînaient déjà des choses dans les cartons… Le Resurrectio accolé à TAT indique-t-il alors un renouvellement de sa dimension créative ? Comptes-tu enregistrer de nouvelles choses avec ce TAT-là ?
Comme dit quelques fois alors que je publiais des albums sous de nouveaux pseudonymes, il ne faut pas craindre que TAT arrête un jour sa production. Quoi que je ne sache pas encore quelle forme prendra la suite de l'aventure, je peux te dire que de nouvelles compositions existent déjà. Je ne peux toutefois pas encore prévoir quand débuteront les enregistrements. Pour l'heure, nous sommes concentrés sur la tournée du Bal des Enfers (un concert TAT Resurrectio est d'ailleurs prévu dans ce cadre à Lyon) ; après quoi un travail alchimique personnel m'obligera à une retraite temporaire. Mais je ne doute pas que nous accoucherons de nouvelles productions dans un avenir pas trop lointain !
Dans quelle mesure l’ex-Omnicore Le Chiffre a-t-il aujourd’hui une influence sur les travaux de TAT ? Composes-tu seul ou composez-vous ensemble aujourd'hui ?
Sauf exception comme le Requiem, dans lequel Le Chiffre et Horologium sont intervenus, je compose généralement seul. Le Chiffre est un vieux frère d'armes, il me conseille et m'accompagne avec une redoutable intelligence, doublé d'une bienveillance sans pareille. Il est aussi souvent "générateur d'idées", un peu comme un jeu de tarot dont on tire une carte pour révéler une nouvelle direction.
Reviendras-tu vers le système de licence Creative Commons ou non, comme tu y avais recouru pour le Quinta Essentia de 2006 et pour un morceau du Sperme De Tous Les Métaux ?
J'ai l'impression que ces débats sur la musique libre sont un peu dépassés. Autant nous passions pour des anarchistes fous aux premières heures de Jamendo, autant la stratégie de la gratuité est aujourd'hui pratiquée par toute l'industrie de la musique. Nombre des plus gros favorisent la diffusion gratuite des nouvelles productions. Alors, bien sûr, on n'est pas dans un cadre "libre" et la pub est omniprésente. Mais tu peux écouter les albums de Madonna en intégralité sur sa chaîne YouTube. Et malgré le retour du vinyle, il est évident que les professionnels ne comptent plus tant sur les ventes d'albums que sur les concerts. Quant à savoir ce que nous ferons exactement avec les prochaines productions TAT Resurrectio, je n'en sais encore rien ; ça dépendra probablement du label qui prendra le projet sous son aile.
Qu’éprouve-t-on en tant que musicien avant, pendant et après un concert en première partie de Brendan Perry ? C’était le 13 février 2019, à Lyon. Un contact s’est-il noué avec Brendan à cette occasion ?
Franchement, nous étions comme des gamins, des étoiles plein les yeux. Brendan nous a accueillis en nous félicitant pour notre musique et il nous attendait encore à notre sortie de scène pour nous adresser d'autres compliments. Inutile de te dire qu'après ça, c’est bon, tu peux mourir ! Nous n'avons plus échangé avec lui depuis, mais... qui sait ce que l’avenir nous réserve ?
Comment ont été réunies les conditions de la captation vidéo et son dudit concert ? Une trace hors YouTube verra-telle le jour ?
Nous avions prévu de capter le concert avec des moyens misérables... et nous avons été sauvés au dernier moment par un technicien génial que nous n'attendions pas : un certain Virgile, qui a réalisé un multicam (dix points de vue) en direct. Sa générosité et son professionnalisme méritent vraiment que l’on cite son entreprise, Live Sparks et qu’on la recommande très vivement ! Pour ce qui est du format, j’avoue qu’en dehors de YouTube, je ne vois pas trop où nous pourrions diffuser aujourd’hui une vidéo de concert complet comme celle-ci.
Tu sembles exprimer parenté cachée entre le contenu de l’album Guillaume réalisé avec Desireless, et le travail estampillé officiellement TAT. Qu’est-ce qui, en substance et selon toi, crée ce lien ?
L'instrumentation, pour commencer : la guitare classique au service d'un texte. Mon goût pour un certain type d'harmonies et de modes obscurs. Une théâtralisation de la musique. L'héritage enfin de mes jeunes années dans le rock progressif 70’s - quelque chose d’Ange ou de King Crimson ?
III Testament est sorti en autoproduction en 2010 (NDLR : toujours disponible via Jamendo). Concernant l'un de ses contenus liés... seule une démo mise en ligne est connue à ce jour, alors qu’est-ce qui explique que tu n’aies jamais terminé la reprise du "Lacrimosa" du Requiem ?
Elle ne me satisfaisait pas et je ne l'ai en effet pas intégrée. L'album se tenait sans elle, de même que la reprise de Matching Mole, "O Caroline", n'était pas essentielle. Elle n'apparaît d'ailleurs pas dans la version Jamendo. C'est vrai qu'il n'existe pas de disque physique, mais je ne vois plus du tout l'intérêt de produire des CDs. Sa forme me convient. On peut le télécharger en intégralité au format WAV. Je le diffuserai peut-être un jour sur les plateformes pour le confort des utilisateurs de Spotify...
Tu as travaillé à diverses reprises sous le nom de TAT avec Laurent Courau (Les Sources Occultes). D’autres projets communs se dessinent-ils ?
Je viens de me réinstaller à Lyon, et nous n'avons fait que nous croiser avec Laurent à un concert de Greta Gratos. Mais je ne doute pas que nous referons des choses ensemble dans les temps à venir !
Quelles sont les sources occultes de l’actuel TAT ? Son corpus ?
Probablement ses racines inactuelles. TAT, au même titre que Valfeu et Operation Of The Sun, est un projet dédié à la musicalisation de l'alchimie, ou à l'alchimisation de la musique ; ce qui est en bas étant comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut comme ce qui est en bas. Il s'agit d'un seul travail, d'une seule opération.