Lors de leur performance à L’Étrange Festival en 2016 (où nous avions pu rencontrer les deux membres fondateurs de Test Dept., Graham Cunnington et Paul Jamrozy), l'information nous avait été glissée qu'un nouvel album de ces pionniers de la scène industrielle britannique allait voir le jour. Plus de vingt ans après Tactics For Evolution, les voici de retour.
Si les enregistrements de la fin des années 1990 avaient été marqués par les sonorités techno, breakbeat ou house, on sent immédiatement ici un retour aux origines ; mais comme pour leurs performances récentes, ils ont su mêler les percussions métalliques et les bourrasques bruitistes et martiales avec une production digitale de pointe. En effet, les musiciens sont allés piocher dans des archives des années 1980 certaines idées et les ont faites évoluer vers un son contemporain.
Épaulés par une belle brochette d'invités, le projet en revient à un son industriel à l'ancienne : machineries, densité noise, martèlement sur plaques de métal, samples symphoniques… On pense aussi bien à Laibach (les cuivres de "Speak Truth to Power"), à Front 242 (la pulsation de "Full Spectrum Dominance") ou même à Coil (la dévastation de "Debris"). Mais c'est surtout vers la période The Unacceptable Face of Freedom (1986) que le groupe semble s'en retourner. Pas aussi enragé que les débuts (Beating The Retreat, Ecstasy Under Duress, 1984), cet album avait su conjuguer la puissance percussive à des arrangements plus électroniques et travaillés, et des ambiances totalement apocalyptiques.
Disturbance s'inscrit dans cette veine, et les ruines de la société anglaise laissées par l'ère thatchérienne semblent entrer en écho avec la vision qu'ils donnent du monde actuel, et de l'Angleterre en particulier.
Le premier morceau fait figure de manifeste : "The past rules the present. Are we witness to the triumph of capitalism?… The blind obedience to a broken authority… Poverty is a crime. Austerity is a lie..." ("Speak Truth To Power"). Les paroles sont claires, et l'engagement politique de Test Dept. contre l'aliénation capitaliste et les inégalités sociales n'a pas fléchi. Leur musique en appelle toujours autant à la résistance et à la contestation.
Comme à leur habitude, les beats prédominent, à la limite du dancefloor et de l'EBM. Le son est profond, massif, piochant dans des banques sonores riches mais mettant souvent en avant une dimension chorale, guerrière et grandiose. L'aspect tribal n'est pas mis de côté non plus ("Gatekeeper") et le tout reste aussi noir qu'on pouvait l'espérer, jusqu'à un final plus lumineux (le plus optimiste "Two Flames Burn" et son “We can build a better world”). Chaque pièce musicale est un hymne en elle-même, et on appréciera aussi les morceaux plus atmosphériques ("Gatekeeper", "Debris") qui font beaucoup pour souligner le climat menaçant, tendu et dystopique qui se dégage de l'ensemble.
Test Dept. est toujours en colère et les musiciens s'imposent comme des sculpteurs de son au savoir-faire unique. Il n'y a et il n'y aura qu'un seul Test Dept. Qu'on se le dise.