Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Album
16/07/2019

The Appleseed Cast

The Fleeting Light Of Impermanence

Label : Graveface Records & Curiosities
Genre : alternative rock
Date de sortie : 2019/06/28
Posté par : Bertränd Garnier

On a repéré The Appleseed Cast au tournant des années 2000 pour leur transition bien amenée d’un rock émo trempé – mais déjà élégant – vers quelque chose de beaucoup plus personnel, où les vestiges d’un son un peu garage se mettaient au service d’une musique enrichie de recul et d’abstraction contrôlée. On peut à ce titre dire de Peregrine (2006) qu’il s’agit d’un temps fort de ce début de siècle pour la scène indé au sens large. Après ça, sujet à une instabilité chronique de son line-up, le groupe a eu tendance à disparaître des radars. Lorsqu’il est tout de même rentré en orbite, par deux fois, il s’est montré bien moins intéressant, gâté par l’empreinte d’un post-rock trop classique.
 
À l’annonce d’un album pour l’été 2019, une question s’imposait : est-ce que Chris Crisci, tête pensante et seul membre à peu près inamovible de The Appleseed Cast, avait encore dans le ventre de quoi accoucher d’une claque ? En premier élément de réponse, "Chaotic Waves" n’est pas des plus rassurants, il faut bien l’avouer. Petit montage d’arpèges ensoleillés mais dépourvus de profondeur, le morceau permet avant tout de se frotter de nouveau à l’univers du groupe. Pourtant, il transporte déjà des intentions musicales très claires, qui vont essaimer et prendre de l’ampleur tout au long de l’album : une gestion du rythme peu orthodoxe, une asymétrie assumée, et la volonté de confier le gouvernail alternativement aux guitares et aux synthétiseurs. On y sent aussi, passé les premières minutes, la promesse de choses plus graves. Le groupe semble incapable de choisir entre le bermuda et le parapluie. Ce sera une autre constante. Impermanence
 
À partir de là, le niveau s’élève de plusieurs crans, et par bonheur ne redescendra plus. Au plan formel comme dans ses expérimentations les plus osées, The Fleeting Light Of Impermanence est un album passionnant à suivre, truffé de récompenses musicales, mais qui, comme suggéré plus haut, ne se préoccupe pas d’y emmener l’auditeur par des voies convenues. Peu importe qu’un crescendo s’obstine à ne jamais exploser, ou qu’un morceau que l’on pensait instrumental s’achève finalement par quelques mesures de ce qui serait ailleurs le couplet d’un succès radiophonique. Qu’un refrain vous happe, et vous pouvez être assuré de devoir lui dire adieu dans la foulée. Une exception serait l’imposant leitmotiv choral du très beau "Time the Destroyer", où la voix de Chris, d’ordinaire à demi-effacée, trouve une surprenante vitalité, un ton quasi-prophétique.
 
Mais c’est frappés de nostalgie que The Appleseed Cast ont écrit leurs plus belles pages, et ce disque ne fait pas exception. Il culmine aux deux tiers dans l’enchaînement "Asking the Fire for Medicine" / "Reaching the Forest", deux sommets de songwriting et de finesse émotionnelle. S’en dégage une forme d’apaisement qui n’a vraiment plus rien à voir avec le souverain détachement d’une jeunesse campée derrière ses possibles et ses splifs. Les vieux parlent aux vieux.
 
En bout de course, une ballade crépusculaire que l’on ne veut pas comprendre au pied de la lettre ("Last Words and final Celebrations") s’ébroue soudainement dans un fracas de cymbales et de cristaux, comme un rêve qui ne veut pas finir, lors que le cerveau prend peu à peu conscience que sa finalité signe le retour au réel. Loin de raccrocher, parions-le, The Appleseed Cast nous livrent sur un plateau ce recueil de songes pavillonnaires, imbibé de grandes étendues et de mirages aussi sublimes que mortels.

Tracklist
  • 01. Chaotic Waves
  • 02. Petition
  • 03. Time the Destroyer
  • 04. Collision
  • 05. The Journey
  • 06. Asking the Fire for Medicine
  • 07. Reaching the Forest
  • 08. Last Words and Final Celebrations