Pour les plus acharnés de la lecture des colonnes d’Obsküre, les noms d’Ashton Nyte et de The Awakening ne sont pas inconnus. L’homme aux commandes du projet monocéphale est particulièrement prolifique ; et ce, d’une manière métronomique. Les albums sortent avec une constance sidérante, que ce soit sous son nom propre où sous celui de son projet nommé The Awakening. La décision de relier certains titres au projet solo et d'autres au projet The Awakening doit dans la tête de l'artiste sud-africain – exilé de longue date aux USA – être question de textures, d’atmosphère et d'expression, The Awakening ayant une approche moins acoustique et plus frontale.
Ce nouvel album, éponyme, représente tout de même la douzième production du projet même si Ashton Nyte n’est pas un perdreau de l’année, ce que son apparence diaphane pourrait laisser paraître. Est-ce réellement un hasard si la quatrième plage de l’album se nomme "Your Vampyre" ? Nous laissons cette digression à la libre appréciation de chacun. Tout sur ce nouvel album, de l’écriture à la production, est à nouveau de la responsabilité du seul Nyte, qui est à vrai dire un multi-instrumentiste de talent.
The Awakening est intrinsèquement un projet protéiforme et Nyte un gardien du temple des musiques sombres. Son expression a pu par le passé être soit teintée d’électronique, soit marquée par des guitares puissantes. Loin de se cantonner à un sous-genre particulier, l’homme aux multiples facettes nous livre ici un album qui, dès la première écoute, sonne comme un classique, digne des plus grands noms du rock gothique.
Alors, bien entendu, Ashton ne prétend pas faire la révolution du genre et l’album ne révèle pas d’énormes surprises. Mais ce que l’on apprécie dans le nouveau cru est ce travail artisanal développé avec une sincérité exemplaire. Ashton Nyte, orfèvre, sait mieux que personne installer ces ambiances sépulcrales (l’intro "Shimmer" ou l’interlude intriguant "Sliver") qui nous sont chères, utilisant son Doctor Avalanche à lui comme une pulsation incandescente. Les basses, très présentes également et notamment sur le titre "Cabaret", prouvent le talent de l’homme-orchestre. The Awakening, bien que ne reniant aucune filiation (ce serait faire déshonneur aux illustres prédécesseurs et fondateurs du mouvement), cultive son art de façon propre et autonome. En partie grâce à sa voix extraordinaire, d’une intensité et d’une profondeur sans pareilles, il se distingue par une expression parfaitement reconnaissable. Le dernier titre de l’album, "Continuum", illustre ce propos. Débutant avec un piano soutenu par une réverbération symptomatique, le morceau mue en hymne imparable. D’autres titres notables comme "Mirror Midnight", "Trough the Veil" ou encore "Haunting" vont devenir à ne pas en douter des marqueurs emblématiques des soirées sombres.
Les morceaux sont tous relativement courts et cela participe à donner un élan à cet album, qu’on a écouté plusieurs fois d’une traite sans aucun ennui. Ashton Nyte fait également preuve d’une belle diversité dans les tempos et les couleurs des titres, "See You Fall" et "Fallout", titres plus musclés arrivant à point nommé au cœur du disque. Les thématiques abordées sont pour certaines très ancrées dans notre époque. Nous vous conseillons d’aller jeter un œil sur le clip du titre "Mirror Midnight", réalisé par Ashton lui-même et qui évoque les notions de manipulation des médias et l’obsession contemporaine de l’image que l’individu renvoie aux autres.
Ashton Nyte demeure un acteur indispensable à cette scène des musiques hantées, son engagement et son savoir-faire étant toujours empreints d’une grande pertinence. On se laisse happer par les moments introspectifs comme ceux plus libérateurs. The Awakening continue à entretenir la flamme là où beaucoup se sont perdus ou ont renoncé.
Et en cela, Ashton Nyte reste incontournable.