Comment ne pas penser aux résonances incantatoires de Swans à l’écoute de ce formidable premier album ? "Lazarus Millenium Sun" ou "Wax & Oil", à eux seuls, fixent le paysage mental que laisse en vous ce bloc de noirceurs, au sortir de l’écoute : un son de groupe osmotique et qui vous traverse, s’empare de vous. Malaxe, au cœur. La voix de baryton, incantatoire, de Cameron Moretti (en charge aussi des guitares) est à elle seule un spectacle : de tension, d’intériorité, de conviction. Gorge profonde, crooning charbon. Pensez Gira, pensez Kim Larsen. Ce qui sort de la colonne d’air vient de loin, on le sent. Moretti est imprégné par les musiques du monde (mélopées indiennes, moyen-orientales, embrassez tout) et ne compte pas s’inscrire dans un genre, il le dit lui-même : l’émotion est source, le son simple canal. Nemesis And Nativity traduit quelque chose de son rapport à la nature et de son questionnement permanent sur la vie, sur son miracle, son pourquoi.
The Infinity Ring : un collectif monté par Moretti et satellisant dès son origine, autour de lui, des activistes de la scène de Boston. Un pouvoir d’attraction important au point d’aboutir à un premier EP en collaboration avec Jarboe (ex-Swans, rien ne nous étonne). Le premier fruit long, aujourd’hui, révèle d’ineffables élégances et un physique imposant. Une forte unité marque les aplats, quand bien même Moretti ne verrait pas vraiment en cet obscur opus I un concept album, mais plutôt un ensemble où certaines chansons se répondraient les unes aux autres. 
L’idée d’être en vie, d’être présent au monde en cette seconde où vos yeux fixent cette ligne, reste toutefois (dans le commentaire que le protagoniste principal a livré publiquement) ce fil qui tient l’ensemble. Question posée de ce miracle permanent, que l’homme pressé conscientise si peu.
Le pouvoir de cette musique est à la hauteur de son fil. Du début à la fin se produit un envoûtement. Moretti a dirigé des manœuvres dont le résultat est d’une rare chimie : les guitares égrènent en douceur, et le collectif greffe sur leurs sobres canevas des couches qui, par un jeu de superpositions, atteint le climax. Dans sa puissance retenue, cette musique vous consume ("The Valley"). Vous sentez ? L’appel de la voix, la percussion qui martèle… et votre ventre, ce mouvement à l’intérieur, ce froid à l’échine.
