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Album
08/06/2019

The Membranes

What Nature Gives… Nature Takes Away

Label : Cherry Red Records
Genre : post-punk / noise
Date de sortie : 2019/06/07
Note : 80%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Une légende se forge dans les silences, les caves. Après les attentes qui n’en finissent plus, l’espoir abandonné.  The Membranes (Blackpool, Lancashire / déménagement vers Manchester en 1983) ont disparu tels les dinosaures avec l’âge d’or du post-punk, fin 70’s / courant 1980. 1990, fin de l’histoire. Dans les caves se développe un mythe autour du groupe après sa dissolution mais ses hommes ont fait leurs vies. La réalité, le quotidien : grisaille et anonymat. Votre existence n’est extraordinaire que dans ce que les autres y projettent.  
 
Un jour, la route de John Robb croise celle de My Bloody Valentine. Supplications. Remettez le couvert. 2009, 2010. Alors ils rejouent. De la scène et puis l’étincelle. Des origines, reste John, pilier entouré aujourd’hui de la paire de guitares bruitiste Nick Brown / Peter Byrchmore et de Rob Haynes à la percussion. Depuis le retour, deux albums. Une chimie en devenir. What Nature Gives… Nature Takes Away est le deuxième de ces disques, successeur de Dark Matter/Dark Energy (2015). Un album ? Non : un double, ou du moins se présente-t-il comme tel. Une masse, clairement : seize morceaux. Une mosaïque de son abrupts et imprégnés de mystique. Une  myriade de références est citée par le label : Godspeed You! Black Emperor, Mogwai, Bauhaus, Ulver, Wardruna. Cadrage fantaisiste ? Une chose, elle, est certaine : cette musique, physiquement présente, ambitieuse, impressionne. Velléité dans l’écriture, dureté dans le son, il y a là un héroïsme rêche et toujours cette basse qui résonne, dure et au bord de la saturation : celle de Robb, artisan indéboulonnable de cette résonance grumeleuse et rigide. Urbanité sourde et rocailleuse, charbon vital. Un mythe peut se redéployer : "The magical and mystical Properties of Flowers", avec Kirk Brandon ou encore "Nocturnal" qui évoque [forcément] la gravité d’un Joy Division. "Dance, dance, dance". Le titre éponyme, ses cordes, sa cinématographie : c’est simplement à fondre sur place. Claire Pilling guide le chœur BIMM, le palpitant s’emballe. BIMM est un peu partout. Boom, boom, boom.
 
Une résonance ancienne et en même temps si présente au monde, s’impose avec insolente grâce en 2019. Ceux qui les avaient aimés voire côtoyé à la fin des années 1970, ces dernières années, les ont fait rejouer avec eux. Des premières parties. Ils ont eu du flair. Killing Joke, The Sisters Of Mercy, The Stranglers. 2019 confirme l’état de grâce. C’est si sombre, fascinant, hypnotisant, incantatoire… Rien à jeter. Un son a traversé les corps, les a happés : comme un monde qui s’ouvre à vous, paysage qui s’est donné vie dans le feutre et la magie des studios 6DB (Manchester) avec Ding Archer. Ding, artisan du dur, cf. Pixies.
What Nature Gives… Nature Takes Away est un disque "sur la beauté et la violence de la nature." Une peinture aux reflets ocre et bruns, myriade de détails agglomérés par un sens de la beauté peu commun et perturbant la notion de genre : dub et voix anthropo huileront à l’envi un "mijotage" psyché sur "The Ghosts of Winter stalk this Land". Feeling plein mais pas purisme. Fragments épiques et religieux resurgissent du bruit, moments d’élévation et de spatialité dans les caves. Les pierres ne sauraient ceindre l’esprit et le son convoque les fantômes : des présences errent en ce bas monde et Kirk Brandon n’est pas la seule légende du passé à baigner dans ce chaudron. Il y a Chris Packham sur "Winter (The Beauty and Violence of Nature)", Shirley Collins sur "A Murmuration of Starlings on Blackpool Pier". Les miracles s’enchaînent. Un son pictural. Et le groupe ouvre littéralement la boîte de Pandore sur le dernier titre, comme si tout restait à faire, comme si tout était encore possible. Quelques voix disséminées, magmaïennes, font alors le lien avec "Deep in The Forest where the Memories linger" et celles du (tripal) premier morceau "A strange Perfume". Une boucle. Après tout, ils reviennent bien de nulle part, alors… qui sait où ils iront encore ? 
Un disque saisissant, passionnant, vital.

Tracklist
  • 01. A strange Perfume
  • 02. What Nature gives … Nature takes away
  • 03. A Murder of Crows
  • 04. The City is an Animal (Nature is its Slave)
  • 05. The 21st Century is killing Me
  • 06. Deep in the Forest where the Memories linger
  • 07. Black is the Colour
  • 08. A Murmuration of Starlings on Blackpool Pier
  • 09. Mother Ocean/Father Time
  • 10. The Magical and mystical Properties of Flowers
  • 11. Snow Monkey
  • 12. Demon Seed/Demon Flower
  • 13. The Ghosts of Winter stalk this Land
  • 14. Winter (The Beauty and Violence of Nature)
  • 15. Nocturnal
  • 16. Pandora’s Box