Au départ, je ne l’ai pas cru. Le groupe The Mission qui joue dans une salle de taille moyenne comme Le Rex à Toulouse, ça sonnait comme une aberration. Et en même temps, comment manquer ça ! Je n’ai pourtant jamais été fan, et je ne possède aucun album. D’ailleurs, quand j’ai demandé aux amis s’ils venaient, ils m’ont presque tous dit que c’est une musique trop pop, trop lisse, trop typée rock indé de son époque, plus proche au final de groupes de stade à la U2 ou Simple Minds dans la tête des gens.
Pourtant, contrairement à Sisters of Mercy qui, depuis trois décennies, livre des concerts exécrables, The Mission a toujours eu la réputation d’être bon sur scène, porté par d’excellents musiciens. Heureusement, pas mal d’autres amis avaient fait le déplacement, certains de loin, pour rendre cette expérience unique. Au final, si on sortait en soirées gothiques dans les années 1980, 1990, The Mission était quand même un incontournable, et qu’on le veuille ou non, "Garden of Delight", "Severina", "The Crystal Ocean" ou encore "Tower of Strength" sont devenus des classiques.
Organisée par Regarts, la soirée a commencé de très belle manière avec la performance d’un trio lyonnais, dont je n’avais jamais entendu parler avant mais qui sont actifs depuis une dizaine d’années. Leur nom est Divine Shade. Les influences sont assumées, allant de Gary Numan à Killing Joke, au croisement de l’electro, du metal indus et du post-punk. Le point fort est surtout la belle voix du chanteur. Les compositions sont efficaces et carrées, avec une belle énergie. On est fin prêt pour l’arrivée du combo britannique.
Et quel bonheur de pouvoir se glisser au premier rang sans trop de difficultés ! The Mission envoie la sauce de suite avec l’hymne "Wasteland" et sa phrase d’introduction mythique : "I still believe in God but God no longer believes in me". Le son n’est pas ringard et daté. Bien au contraire. Les guitares de Wayne Hussey et Simon Hinkler se marient divinement, oniriques et planantes, alors que la basse de Craig Adams nous enveloppe, imperturbable et rampante, ravivant les souvenirs du First And Last And Always des Sisters of Mercy, qu’ils ont co-composé avec Andrew Eldritch et Gary Marx. La rythmique basse/batterie garde cette essence post-punk que les titres suivants, encore tirés de leurs débuts, "Serpents Kiss" et "Over The Hills And Far Away", ne font que confirmer.
Étrangement, le concert se fait plus fascinant quand le rythme se ralentit, avec des titres plus récents. Je pense alors au Brendan Perry du premier album de Dead Can Dance : la voix chaude et grave, les effets de réverbération et de delay juste comme il faut, les guitares cristallines et claires, la basse souvent jouée sur le haut du manche. L’excellent "Within the Deepest Darkness (Fearful)" est bien représentatif de cette évolution du son de The Mission et je me dis alors que j’aurais dû écouter les albums des années 2000 qui, je l’avoue, me sont complètement inconnus. "Kindness is a Weapon" fait partie de ces découvertes (NDLR : un mid-tempo aux boucles de guitares très 'missionesques', et au refrain pop), mais le groupe en revient vite aux titres qui ont fait sa renommée, avec une montée en intensité et un public qui connaît les paroles par cœur : "Wake", "Child’s Play", "Deliverance" jusqu’au trio gagnant, "Butterfly on a Wheel", "Severina" et "Tower of Strength" qui sonnent vraiment bien dans cette salle du Rex.
Ils nous laissent en état euphorique, et on fera la fermeture des bars alentours, le Dada et l’Autan, pour retomber un peu. Le tour bus du groupe, absolument immense et massif, restera garé dans la rue, et on pourra croiser Craig Adams ou Simon Hinkler pour des photos souvenirs. De toute façon, on a raté le dernier métro, la marche sera longue et on fera de nombreuses pauses avant de rentrer au bercail. Une chose est sûre, nous avons passé une super soirée et n’avons aucun regret d’être allé à ce "concert de vieux" qui nous a fait nous sentir légers comme des papillons. The Mission, c’est définitivement mieux en concert que sur disque.