Deux ans. Cela faisait plus de deux ans que Wayne Hussey, glorieux leader du groupe gothique formé à Leeds en 1986 et résidant depuis des années au Brésil, n’avait pas revu ses deux acolytes et cofondateurs de Mission : Craig Adams (ex-Sisters Of Mercy, comme lui - basse) et Simon Hinkler (guitares).
À l’aube de sa nouvelle tournée européenne, c’est à Bristol que ce noyau dur de "l’âge d’or" (1986-1990), augmenté du performant et physique percussionniste Mike Kelly (intégré en 2011) s’est retrouvé pour les préparatifs de rigueur : nouveau cycle de répétitions, à l’aube d’une nouvelle tournée européenne dont l’intitulé semble adresser pied de nez à l’esprit pro-Brexit. Intitulé : The United European Party Tour 2020. Ne chantaient-ils pas, sur Grains Of Sand (1991), "Divided we fall" ? Derrière la tonalité d’une plaisanterie, un message - et le regret, certainement.
Or, c’est dans ce cadre qu’est programmée une double date à Paris, au Petit Bain, ces 3 et 4 mars 2020. Quatre ans après la sortie d’Another Fall From Grace et trois ans et demi après la dernière apparition du groupe organisée à l’initiative du Boucanier au Bus Palladium, The Mission se réactive live et Obsküre publie l’un des premiers entretiens post-Brexit du chanteur et compositeur principal, seul musicien permanent de toute cette longue histoire démarrée à Leeds en 1986 et à la suite, rappelons-le, de la dislocation d’un line-up culte des Sisters Of Mercy. Un échange durant lequel il sera question d’évaluer les chances d’une remobilisation artistique du groupe, mais aussi de l’issue d’un concours de remixes autour du vigoureux single "Tyranny of Secrets", de la dernière tournée solo de Hussey, de projets parallèles, d’un volume II à donner à l’autobiographie Salad Daze, ou encore… de Brexit – forcément, et entre autres. Le tout, divisé en deux parties distinctes. La première, c’est maintenant.
Obsküre : The Mission s’apprête à partir d’Angleterre pour tourner en Europe durant les prochaines semaines. Les musiciens anglais avec lesquels tu as pu t’entretenir s’inquiètent-ils des conséquences finales du Brexit sur leur capacité à terme, financière plus qu’administrative, de tourner en dehors du Royaume-Uni ?
Wayne Hussey : Il y a un élément de préoccupation exprimée quant à ce qui va se produire sur un plan pratique pour eux. Je ne peux évidemment parler au nom de tout le monde… mais il peut être ressenti chez certains que le Royaume fait un bond en arrière de cinquante ans à travers cette opinion exprimée que la Grande-Bretagne ne fait pas partie de l’UE. Pour ma part, c'est une forme de recul. Et là, je ne te parle pas en tant que musicien mais simplement en tant qu’humain (NDLA : Wayne est constant dans ses déclarations à ce sujet). Mon sentiment est que dans le monde d’aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin de nous sentir unis. Cela dit le Brexit est un signe des temps : nous vivons un moment où le monde est imprégné d’une ambiance toxique, et où les sentiments négatifs contaminent l’expression publique et les relations humaines. Le regain des nationalismes est une manifestation de cette crispation. Il en résulte un moment étrange, dans les rapports interpersonnels comme en politique internationale. Notamment.
Comment trouves-tu l’ambiance à Bristol aujourd’hui, maintenant qu’est acté le Brexit ?
Toxique. Le pays est divisé comme jamais sur la période récente, ces trois dernières années notamment. Aujourd’hui qu’est acté le Brexit, à mon sens il faut attendre et voir ce que ça va donner, laisser les choses évoluer. Après tout le pays a pris sa décision, alors il faut essayer d’en tirer le meilleur. La seule chose que j’espère, c’est que ce moment ne signe pas le début de la fin de l’Union Européenne.
À l’intérieur même de The Mission, y a-t-il divergence d’opinions concernant l’opportunité du Brexit ?
Non, je ne crois pas. Nous ne nous sommes pas vus depuis deux ans et demi, mais je connais Craig depuis presque quarante ans et suis certain qu’il partage la même opinion que moi. Même chose concernant Simon ou Mike (NDLR : Kelly, plus jeune membre de la formation). Sans trop entrer dans un propos politique – et d’ailleurs nous ne le faisons pas entre nous, nous ne passons pas des heures à échanger autour de ces thèmes – nous avons en commun une attitude proche de l’esprit des gens de l’humanitaire : nous éprouvons, tous, individuellement, un certain souci des autres.
À l’issue de ta dernière tournée solo, tu as adressé nombre de remerciements à des personnes impliquées dans cette série de dates. Mais ton message exprimait aussi une part de difficulté éprouvée lors de ce périple, mais peu explicitée. Soixante dates, en tout. Qu’est-ce qui a été si difficile ?
Ce qui l’a été, ce n’était pas vraiment les concerts en tant que tels. Il y a même des moments où je finissais par me perdre dans la musique… et ces moments-là sont la vraie récompense : ils justifient à eux seuls que nous fassions cela, l’équipe et moi. Non – ce que je voulais dire, en fait, c’est que la tournée solo a été difficile physiquement. Nous voyagions en minibus. Le show à Paris, par exemple, a eu lieu tard et je me sentais moyennement bien. Or très tôt le matin nous devions partir pour Brest pour enchaîner – c’est ce genre de choses, le cumul… J’ai pu trouver cela fatiguant. Et lorsque tu assures plus de soixante shows comme ça, à un rythme soutenu, il y a forcément des moments plus compliqués que d’autres… Pour la tournée avec The Mission, cette année, ça devrait être moins dur. Les conditions de voyage sont meilleures : nous aurons droit plus souvent à de vraies chambres d’hôtel ; qui plus est nous avons de bonnes conditions de couchage dans le tourbus. Ces quelques éléments de contexte matériel me font anticiper positivement la grosse série de dates à venir.
Nous prenons tous de l’âge. À ce propos, as-tu progressé voire terminé l’ébauche du second volume de ton autobiographie Salad Daze ?
Non, non… Lorsque j’ai terminé Salad Daze, j’avais réalisé l’écriture sur la première année d’existence de The Mission – mais aboutir le processus sur toutes les années qui suivent était évidemment incompatible avec la deadline qui m’était imposée. Ce récit ne pouvait pas se retrouver matériellement dans le volume I, c’est pourquoi Salad Daze se termine au moment où nous quittons The Sisters Of Mercy avec Craig (NDLA : lire notre entretien avec Wayne au sujet de Salad Daze ici). Il me reste un travail plus que conséquent à réaliser sur le prochain livre, et la deadline de principe est fixée à 2022. Il me reste donc un peu de temps.
Le fait est que ton emploi du temps se remplit pour les prochains mois, rien que de par la tournée 2020 et le fait de devoir aboutir ce nouveau volume d’écriture sous deux ans. Dans ces conditions, peut-il être envisagé pour The Mission de donner suite à Another Fall From Grace ?
J’ai écrit de nouvelles chansons depuis 2016 et ai travaillé entre autres avec The Beauty In Chaos, projet pour lequel je m’investis qu’en tant qu’invité (NDLA : cf. supra – projet de Michael Ciravolo ayant impliqué, outre Wayne, un certain Simon Gallup… entre autres !). Tu sais, à chaque fois que je prends une guitare, j’en sors des petites choses. J’ai donc à disposition des centaines de bouts d’idées. Tout cela se retrouve sur des iPads, des dictaphones… mais je ne suis pas certain de ressentir l’urgence, aujourd’hui, de publier un nouvel album – que ce soit un disque de Mission ou un disque solo, d’ailleurs ! Voyons tranquillement ce que deviennent ces chansons et où elles nous mènent.
Il y a un processus, nous le savons bien.
Oui – et pour tout te dire, j’ai pu ressentir à propos d’Another Fall From Grace que s’il devait être le dernier album du groupe, c’était une belle manière de finir. Si nous devions en faire un de plus, je ne voudrais pas le singer ou faire un disque qui lui ressemble trop. Ce devrait forcément être quelque chose de différent ; et je ne suis pas sûr, à ce jour, de la direction que je souhaite faire prendre au groupe. Nous nous voyons essentiellement pour tourner et lorsque ces moments arrivent, nous avons d’abord affaire à une certaine nostalgie. Cette réalité ne doit pas être ignorée. Qui plus est, nous restons après les tournées dans l’impossibilité de nous retrouver physiquement pour progresser ensemble sur de nouvelles choses (NDLA : la tonalité du propos laisse percer a priori un désir de Wayne de collectiviser davantage l’effort créatif du groupe – propos à double tranchant).
Bifurquer de nouveau dans l’orientation musicale, donc ? Mais… tu sais mieux que quiconque, et je fais là référence à l’histoire du groupe, que tous les fans n’apprécient pas forcément les... surpriiises !
Oui, je sais. Reste qu’en dépit de cela, tu ne peux tout de même jamais anticiper totalement ce que je vais faire la prochaine fois. Si ma musique était restée plus prédictible, si je m’étais moins écouté, elle aurait peut-être rencontré davantage de succès tout le long du parcours (rire) !
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Suite et fin de l'entretien avec Wayne ici.
> THE MISSION UK
- United European Party Tour 2020 (février > mai) – listing des dates à venir
- En concert au Petit Bain (Paris) les 3 & 4 mars 2020 (+ guests : Salvation) – FB event