The Old Dead Tree, héraut de la scène métal française des années 2000, avait laissé entendre depuis un certain temps que des titres inédits étaient enregistrés. Mais ne voyant rien sortir, on imaginait que cette annonce resterait lettre morte.
Le groupe avait fait taire les guitares il y a une dizaine d’années, après trois albums d'excellente facture et excepté quelques shows précieux (une tournée en 2013 pour les dix ans du premier album et un show pour les vingt ans du groupe, sous le nom de We Cry As One), aucune actualité ne semblait être portée à l’agenda des parisiens.
C'est pour une raison assez factuelle que la parution de l'EP a été tant repoussée : Julien Metternich (homme derrière les images de Mass Hysteria notamment) s'était attelé à la production d'un documentaire retraçant le quotidien du groupe et devant sortir en DVD (sous le titre The Final Curtain) concomitamment à l'EP, mais les centaines d'heures d'archives ont rendu la tâche plus ardue que prévue.
The Old Dead Tree refait donc parler de lui en 2019 pour assurer avec netteté la clôture de cette belle aventure humaine. En effet, le split du groupe, lié comme souvent à un questionnement sur l’investissement des uns et des autres et aux divergences sur le futur cheminement artistique, semblait avoir laissé certaines plaies ouvertes et probablement un goût d'inachevé.
Le succès grandissant avait pourtant permis au groupe d’avoir une reconnaissance internationale et le fait d'avoir ouvert pour de nombreux groupes faisant partie de la première ligue (Paradise Lost, Samael, Opeth, Epica…) était un réel signe d’adoubement par leurs pairs musiciens. Mais malgré une qualité de composition et un investissement jamais démentis, le vieil arbre avait agonisé, victime de l'épuisement et de la lassitude des conditions misérables affectant les musiciens semi-professionnels.
Ce nouvel EP, dont quatre titres sont issus de sessions de travail de ce qui aurait dû devenir le quatrième album (2008) et un titre écrit en 1999 est à percevoir comme une volonté de saluer une dernière fois le public, mais également de boucler une aventure musicale stoppée prématurément et d'offrir en partage le fort potentiel fertile qui avait été laissé en jachère.
C'est aussi l'occasion d'un hommage renouvelé : la tragédie initiale (le suicide de leur premier batteur, Frédéric Guillemot en 1999) qui a profondément et durablement touché les membres du groupe, sous-tend à nouveau ce dernier chapitre. L’enregistrement, effectué par (entre autres) deux des membres originels, Manuel Munoz et Nicolas Chevrollier, outre le fait d’être musicalement très réussi, représente un moment fort d’exorcisme artistique et de volonté de transformer les stigmates résiduels en dénouement serein. Les compositions, musicalement très ouvertes, sont assorties d'une production volontairement minimale. Un caractère brut dans le son confère une force et une évidence à ces morceaux, confirmant le talent indiscutable du groupe. On pourrait regretter que seuls cinq titres soient proposés, mais ce sursaut inespéré, vital et salutaire incarne avec puissance la démarche, exemplaire, d'un groupe que nous qualifierons d’essentiel.
Cet enregistrement prend-il la forme d'une épitaphe saisissante ? Le vieil arbre mort est-il désormais figé dans son art ? Rien n'est moins sûr : The Old Dead Tree ayant d'abord été affaire d'amitiés, de rencontres artistiques et de collaborations fraternelles, il pourrait rester des racines vivaces dotées d'une vitalité en puissance.