Interviewé en mars dernier, le trio de Cincinnati nous avait parlé d'un nouvel album dont nous avions pu découvrir quelques titres en concert. Le voici entre nos mains, et ce troisième opus s'affirme d'emblée comme leur meilleur. La fraîcheur et l'urgence sont toujours là, et le style reste très marqué par l'école Factory (écoutez juste "Electric like an Eel" ou "Ending of the Stream" et vous verrez la filiation Section 25 / Joy Division / Crispy Ambulance / New Order), mais les morceaux sont peut-être juste excellents et les atmosphères simplement addictives, avec une grande part laissée aux synthétiseurs. Half Eaten By Dogs est clairement l'album qui pourrait les ouvrir à un plus large public ; et ce ne serait que mérité, tant le groupe assure aussi bien sur scène qu'en studio. Dylan, Dakota et Andie semblent aussi affirmer leurs goûts cinématographiques en évoquant des paysages rappelant leur Midwest natal, à grands renforts de guitares aux sonorités western et d'harmonica. Quelque part, c'est comme si le son bien imprégné de Fad Gadget jusqu'à présent avait muté vers du Wall Of Voodoo nous narrant les possibilités de trouver la mort dans l'ouest.
Si tout commence par un kraut-punk garage qui détonne et qui tache, énergique et mélodique, dès "Cheap Chrome", on entre dans un univers minimal et glacé, et c'est là que le disque nous accroche pour ne plus nous lâcher : voix caverneuse, entre cris et déclamations apocalyptiques, boîte à rythmes vintage, boucles et drones obsédants. Sur "Suspension Bridge Collapse", le chant lorgne carrément du côté de Cabaret Voltaire et Clock DVA.
Et si "Beat me down", avec sa basse qui matraque et sa rythmique imperturbable, rappelle des titres plus anciens de la formation, c'est avec "Spectral Analysis" qu'ils nous offrent une de leurs plus belles créations. Cold à souhait, le morceau est magnifié par un saxo séducteur et des sonorités rêveuses. Il y a du Tuxedomoon de la première heure là-dedans, et une vraie recherche d'ambiance hypnotique.
Autre pépite sexy, "Club Deuce" affirme la volonté du groupe de nous faire remuer sur le dancefloor, avec une touche très Chris & Cosey période Songs of Love & Lust. C'est nocturne, sensuel, et la voix susurrée et monotone d'Andie sied à merveille à cet univers. Même si les derniers titres finissent par revenir à un son post-punk plus traditionnel, les synthés continuent à distiller une atmosphère très riche ("The Dice Man Will Become") et des impressions de se perdre sur l'autoroute d'un film de David Lynch jusqu'à un "Mocking Laughter" qui n'est qu'une montée, nous laissant en apnée avec l'envie irrépressible de recommencer l'écoute depuis le début.