Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Album
12/05/2023

The Ultimate Dreamers

Echoing Reverie

Label : The Ultimate Dreamers
Genre : coldwave / new wave / afterpunk
Date de sortie : 2023/03/17
Note : 75%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Reconfigurer l'entité, repenser un groupe, revenir. Il y a des temps pour faire les choses et le confinement a visiblement ouvert les possibles à certains plus qu'à d’autres. Un contexte, une volonté. The Ultimate Dreamers font partie de ceux auxquels, clairement, le confinement a profité : rasséréné, le collectif nouveau renaît à travers un nouvel opus dont la maîtrise et le niveau de rendu contrastent singulièrement – et sans doute assez  logiquement – avec ceux de la collection d’anciennes démos Live Happily While Waiting For Death

Sur le bloc semi-long Echoing Reverie (huit titres permettent de considérer qu’il y a format album ou a minima mini-album, quand bien même le total comprendrait une reprise et un remix), les Belges font preuve d’assurance et froide incision : les rythmiques sont tenues, sèches, les voix dans le sépulcre mais sans accentuation. Ne pas se faire parangon de théâtralité, éviter gratuité. Echoing Reverie : une recherche d’équilibre dans le flux. Quelque chose vous travaille, c'est à l'intérieur. Un tiraillement, ça bouge tout le temps, ça oscille. Black & white / strass, et l'intention trouve débouché physique. Il se réalise dans un clair-obscur, souvent réussi en l'occurrence. D’anciens Ikon ou Xymox, ou des choses plus récentes telles qu'un Ist Ist, nous viennent à l’esprit à l’écoute de choses comme "A Day in the Life". Et puis il se révèle une force dans les écueils évités par le groupe 2023 (Bertrand, Frédéric, Joël, Sandrine) : ceux du surplus, l'inutile accentuation. Un morceau tel que "Piano Ghost" aurait pu se parer de voix plus sépulcrales, et hop vous teniez votre Joy Division nouveau. Mais non, vous ne ferez que l’imaginer, et ce sera sa force. Il suffisait de rester soi.

Ne rien négliger. Il faut démarrer un disque par un titre fort, mais encore faut-il y penser et c’est le choix réfléchi que font les Rêveurs avec "Polarized". Et dans la froide linéarité des reliefs, le collectif produit un son identitaire. Une couleur est annoncée, mais l’annonce n’est pas exclusive de variations. Certaines tourneries, plus tard, traduisent affection pour le cousin, un gothic rock old school. C’est assez flagrant sur "Midnight", quoique le groupe évite là encore la démonstration. Il lui préfère un mode retenu, au naturel : voix médium, guitares bouclées et élégantes. Les voix seront plus pénétrantes, plus graves sur ce "Big Violent" où elles nous rappellent un Yorck Eysel première période (Love Like Blood), tandis que dans la crasse des guitares s’étouffent des fantômes stoogiens. Une culture est à l’œuvre : l’histoire malaxe les automatismes et réflexes du musicien. Cette histoire ne se cantonne peut-être pas aux eighties, même si les reliefs dominants engendrent une affiliation plus évidente à certaines sphères qu’à d’autres. Tout le monde voudrait toujours tout découper, mais le temps franchit les décennies sans dire son nom.

Enfin, d’autres exercices amusent sur Echoing Reverie. Vous les décoderez bien à votre manière, mais le temps semble s’être bigrement éloigné de cette aversion revendiquée des goths pour les démonstrations de force hard rock (80’s, tout le monde se tenait sur ses gardes). À considérer que la réinvention du classique "Hell’s Bells" d’AC/DC tienne lieu d’hommage – ce qui de notre point de vue trouve aisée justification (nous ne sommes plus dans les 80’s et les histoires de tribus nous lassent) – The Ultimate Dreamers transportent l’éternel dans leur propre cosmos. Le groupe vide alors le classique de sa flamme noire et saturée pour en tirer un bloc glacial et ouvertement funéraire… ce que l’original contient au cœur même de son histoire. Nulle mémoire n'exclut projet. Echoing Reverie : une collection maîtrisée et suggestive, stylée et qui se termine par un remix d’ "I loved you?!" par Implant. Il fallait bien que vous dansiez, au bout du compte. Dans la danse, la mort s’oublie plus facilement.