Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Album
07/12/2021

Thee Hyphen

Re.Sound

Label : BOREDOMproduct
Genre : synthpop
Date de sortie : 2021/09/03
Note : 80%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Thee Hyphen est le projet musical qui existait avant Celluloide. Il était resté confidentiel puisque ses enregistrements initiaux, à raison d'un tous les deux ans, n'étaient sortis que sur cassette ou CD-R. Seuls quelques titres épars avaient bénéficié de leur présence sur des compilations. Le nom avait donc pu s'imprimer ici et là, conférant au groupe une part de mystère tout autant qu'un statut culte. Ce statut que donnent les initiés à des enregistrements qu'ils aiment et qu'ils savent obscurs, secrets, réservés à un groupuscule. Pour établir un parallèle, c'est ce qui était arrivé à Excès Nocturne.

Mais, dans le cas de Thee Hyphen le nom a rapidement été associé à la naissance de Celluloide, puisque ce projet, bien plus visible dans le monde de la synthpop, s'est bâti sur les travaux initiaux de Thee Hyphen. Régulièrement Celluloide a intégré à sa discographie des traces de ce premier passé.

L'exhumation de disques durs, de DAT ou d'enregistrements quatre pistes est arrivée à un moment charnière. Les mélodies tiennent la route, le son doit être nettoyé, les voix gagneraient à être mieux produites. La grâce du chant y a sans doute gagné, c'est ce qu'on pense à l'écoute des vocalises de "Finest Cup". Ce regard rétrospectif sur un premier travail a généré un engouement, une envie, un désir. Sans désir, le travail n'est pas pertinent.

Il a été senti que donner à entendre ces morceaux serait utile, qu'un nouveau travail sur ces pistes serait fécond et pertinent. Qu'il y aurait une logique à revenir sur ce matériel. Et c'est chose faite. L'album qu'on écoute aujourd'hui n'est pas celui de 1996, il n'est pas non plus clairement une construction de 2021. Il est un entre-deux atemporel. Il établit un grand écart sur trois socles esthétiques : le Depeche Mode de Broken Frame et Construction Time Again (1982-1983) – avec une dose d'acidité en plus, comme le montre "No One told me" ; le Mesh de In This Place Forever et The Point At Which It Falls Apart (1996-1999) et le Celluloide d'Hexagonal et Art Plastique (2010-2014) – notamment sur l'interlude "Material". À mon sens, c'est "Not completely" qui profite le plus de ces orientations, un titre imparable sous tous ses aspects : un son à la Bel Canto période Birds Of Passage (une référence assumée par Member U-0176), une voix aux accents sensuels, habilement doublée ici et là, une mélodie évidente et des glissés hors-normes.

Les mélodies sont troubles et délicates, à peine au-dessus de la suggestion. Ce sont des ritournelles plus que des tubes tapageurs ("Leaves Me in the Cold"). La richesse des pistes, elle, n'est pas minimale. Le travail sur les sons, les rythmiques, la construction travaillée est tout à fait moderne. Alors que la tonalité est ouvertement pop (avec cette réticence dont nous avons parlé), les expérimentations viennent torpiller le propos et créent le trouble. Ce sont des acidités, un jeu pour perturber la réception (ce "ni mot" / "nimaux" du titre "Veiled Words"). Il y a un plaisir évident à se griser de la profondeur de certains sons (les accompagnements rythmiques de "Not a Tale" en font partie), à se laisser envelopper l'esprit dans cet univers proprement mis en place.

C'est une musique qui s'écoute tout en se regardant elle-même, sans forfanterie ; c'est une stratégie qu'on qualifiait d'arty autrefois, quand on était un punk fréquentant les écoles d'art. Elle fait sens, tout autant qu'elle mobilise les sens.

Tracklist
  • 01. Drink in your Mouth
  • 02. Mind polluted
  • 03. Leaves me in the Cold
  • 04. Veiled Words
  • 05. Finest Cup
  • 06. Not completely
  • 07. Material
  • 08. Not a Tale
  • 09. No One told me
  • 10. Pink
  • 11. Mind polluted (remix) (bonustrack)