Je suis bien content que la bande d'Andy Cairns ait eu la drôle d'idée de saluer leur trente ans de méfaits par le réenregistrement en conditions live de leur premier Greatest Hits. Celui-ci était sorti en 2014 sous le nom Stories - The Singles Collection, avec deux titres en plus dont la reprise de Joy Division, "Isolation". Bien content néanmoins car jusqu'ici je n'avais pas écrit une ligne sur les Irlandais alors même que leurs premiers EP (Babyteeth, Pleasure Death en 1991 et janvier 1992) et album (Nurse en novembre 1992) m'avaient fait grande impression, comme à beaucoup.
C'était une époque où les mélanges revigoraient le rock. Pour Therapy?, les encarts promotionnels de l'époque mentionnaient une foule de genres comme le hardcore, l'industriel et la techno et il est vrai que leur cocktail survitaminé fonctionnait à merveille. Les années passant, le groupe remplaçait peu à peu ses soubresauts les plus violents (d'ailleurs, d'Hüsker Dü, c'est le titre "Diane" qu'ils reprennent une nouvelle fois) par des constructions plus mainstream et également gothiques dans le ton (ici "Screamager" ou "Turn" en donnent un aperçu dans leurs harmoniques). Les saccades des riffs sont toujours prenantes et font mouche ("Stories", la voix posément placée, les mesures s'enchaînant avec une logique imparable).
Le disque ressuscite une adhésion forte, plutôt réservée ces dernières années aux fidèles de chez nos confrères de New Noise. Le groupe a pris le risque de rejouer les morceaux et ça sonne de manière extrêmement fidèle, tant par le son si singulier de cette batterie initiée par Fyfe Ewing (qui avait quitté Therapy? en 1996 et jouée depuis 2002 par Neil Cooper), que par les samples et par la voix. Quand bien même les années sont passées, celles-ci apportent un bonus dans leur interprétation. Ainsi "Turn" est plus posé et dépité alors que les voix se font parfois plus massives (tout comme l'impact des guitares de "Trigger inside").
Les titres retenus sont ceux qui se sont classés dans le Top 40 de la Grande-Bretagne. Et il n'y a pas de débat à avoir puisque dès l'ouverture des guitares de "Nowhere", force est de reconnaître que les compositions de Therapy? ont eu l'envergure des grands titres (à côté de Placebo, Muse, des Pixies, de Queens Of The Stone Age) façonnés dans le domaine du rock. Évidemment, on dira que les plus récents sonnent moins, mais c'est parce qu'on les connaît moins ("Church of Noise", le très Pixies "Lonely cryin' only").
C'est le copain de toujours, Chris Sheldon qui s'est attelé à la tâche, lui-même avait épaulé le groupe pour son formidable Troublegum (1993) puis sur Semi-Detached (1998), High Anxiety (2003) et Cleave (2018). Le trio stabilisé (Andy, Neil et Michael McKeegan à la basse) est donc en poste, prête à défendre ces titres avec une tournée programmée après la victoire contre le Covid... Histoire de se faire plaisir, c'est avec James Dean Bradfield (Manic Street Preachers) qu'Andy dialogue en chœur sur "Die laughing" alors que les guitares se font jouissives (sur "Stories", c'est le solo qui retrouve un son plus grunge). On sent que Therapy? s'est fait plaisir : le tout sonne comme un bœuf de haute tenue, pour soi et pour les copains. Typiquement le genre de disques qui aurait pu sortir pour le Record Store Day, sauf que là, il ne sera pas en série limitée.
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Pour la promo, nous n'avons eu accès qu'au premier disque, déjà fort satisfaisant. Or, un deuxième CD accompagne le premier. En quinze titres pour quinze albums studio, il inclut des versions live inédites et fait un tour personnel de ces riches trente années.