Le retour des Throwing Muses n'est pas une mince affaire. Le groupe américain avait marqué, avant même la signature des Pixies, le passage à un son rock et abrasif du label wave-heavenly-gothique anglais 4AD. Dès l'abord, les titres de Throwing Muses annonçaient à la fois ce qui deviendrait un jour le grunge et gardait un sens de la mélodie acide et désabusée. Plusieurs albums (Hunkpapa en 1989, The Real Ramona en 1991) et plusieurs titres ("Not too soon", "Coton Mouth", "Fish") ont marqué les esprits. Puis, le groupe s'est dispersé en une foule de projets tout aussi intéressants. Kristin Hersh, chanteuse et guitariste en solo et au sein de 50 Foot Wave ; Tanya Donnelly dans The Breeders et Belly.
Muses : séparés en 1997. Kristin Hersh poursuit tout de même sous ce nom, sortant un opus éponyme en 2003, puis le discret Purgatory/Paradise, dix ans plus tard.
Sept ans, donc, que la marque Throwing Muses n'avait donné suite. Et c'est de nouveau entourée des compères David Narcizo (présent depuis 1983) et Bernard Georges (depuis 1992) que Kristin délivre dix nouveaux titres pour ce dixième album. La tonalité est majoritairement américaine, de celle qui fit les beaux jours des ondes des college-radios (les guitares en arpège façon "Black Hole Sun" de Soundgarden sur "Sue's").
Cependant, on n'est pas dans la recherche du tube clairement identifiable. Les fins de morceaux sont souvent abruptes ("Maria Laguna", "St. Charles") et les ambiances varient fortement d'un titre à l'autre, renouant avec un sentiment de solitude initiée dès le deuxième titre ("Bywater") et magnifié sur la photo de la pochette. C'est le cas notamment sur la suite de "Milk at McDonald's" et "Upstairs Dan" aux harmonies et voix profondes et désabusées (choses enfuies, alcool, coyote au congélateur et lapins-hélicoptères...). La voix de Kristin est touchante, vieillie et forte, digne de celle des prêtresses Patti Smith et Marianne Faithfull ("Upstairs Dan", magistral et noir). L'effet de groupe est loin d'être présent (exception notable avec la folk ténébreuse de "Kay Catherine") ; le disque avançant, les envies de morceaux cèdent le pas, donnant à entendre davantage les chansons-plaisirs de Kristin ("Bo Diddley Bridge" et sa partie au piano) plutôt qu'un travail collectif estampillé Throwing Muses. Les titres heavy-rock sont finalement peu nombreux ("Dark Blue", single évident, dans la pure tradition des Muses, et "Frosting", un petit plaisir). Les parties de batterie tonnent en mode lo-fi ("St. Charles") et de ces expérimentations peinent à surgir véritablement des titres forts ("Bywater", alternative crédible entre les titres solos et ceux des Muses).
On reste sur une succession d'ambiances, des cartes postales rapidement mises en place, des nouvelles idées jetées sur sillons. Pas de quoi faire frémir sur un éventuel retour en grâce pour un large public, mais de quoi satisfaire les nombreux fans qui restent.