Chaque année, l’exercice est toujours aussi difficile, mais l’avantage de ces sélections est qu’elles peuvent mettre en lumière des albums à côté desquels on aurait pu passer. Voici donc 45 albums que j’ai retenus pour cette année 2024 et qui reflètent une nouvelle fois la diversité des goûts présents chez Obsküre.
1. TOBE HOOPER & WAYNE BELL | The Texas Chainsaw Massacre : Original Motion Picture Score (Waxwork Records)
Pour les 50 ans de la sortie de Massacre à la tronçonneuse, la bande originale proto-industrielle et influente bénéficie enfin d’une sortie officielle. Un événement.
2. GÉOMÉTRIES | Nebuloasa (Les Oreilles de Saturne, Troglodisques, Ali Buh Baeh, La République des Granges…)
Un deuxième album remarquable, moins folk mais plus orienté sur des boucles hypnotiques et un onirisme funèbre porté par des chants en roumain.
3. LAURENT PERNICE | Antigone (Alma De Nieto)
Un album addictif, mêlant la beauté des cordes néoclassiques à des textures ambient et électroniques inquiétantes. Pernice, grand musicien, à redécouvrir.
4. THE WOLFGANG PRESS | A 2nd Shape (Downwards)
Un retour inattendu pour le mythique groupe du 4AD des années 80. Mystérieux et électronique, l’album renoue avec l’esprit aventureux et insaisissable des auteurs de Burden Of Mules et Standing Up Straight.
5. AK'CHAMEL | Rawskulled (Akuphone)
Troisième album du duo texan sur le label parisien Akuphone. La parfaite synthèse des expérimentations occultes et incantatoires du groupe sur format cassette et les atmosphères désertiques, psychédéliques et hallucinées des deux opus précédents.
6. KOSMOLOKO 3 | Various Artists (Galakthorrö)
Le label allemand Galakthorrö rassemble ses artistes pour une troisième célébration. Avec Haus Arafna, Hermann Kopp, November Növelet, Te/Dis, Mode In Gliany ou Das-Sein, tous en pleine créativité. Entre angst pop, darkwave et froideur postindustrielle.
7. EDVARD GRAHAM LEWIS | Alreet? (Upp Records)
Le bassiste de Wire nous régale avec ce second album solo d’art pop élégante et recherchée, dans la lignée de ses aventures avec Dome, He Said, P’o ou Duet Emmo. Inventif et illuminé par cette voix profonde qui nous fait toujours autant vibrer.
8. AND ALSO THE TREES | Mother-of-Pearl Moon (AATT Records)
Un seizième album d’une grande classe pour le quintet mené par les frères Jones. Mélancolique, atmosphérique et un peu hors du temps aussi.
9. NINA BELIEF | THETA (autoproduction)
Depuis qu’on l’a découverte en 2009 avec son System of Belief, Nina Belief est devenue une référence pour nous en matière de cold wave synthétique et minimale. Ses productions sont trop rares malheureusement d’où notre enthousiasme à l’écoute de ces 7 titres impeccables.
10. CAMERATA MEDIOLANENSE | Atalanta Fugiens (Auerbach Tonträger)
Un retour en force aussi pour l’ensemble néoclassique/martial italien qui fêtait ses 30 ans d’existence cette année. Des mélodies à la fois accessibles et complexes, inspirées par un livre d’alchimie du XVIIe siècle.
11. BEIGE BANQUET | Ornamental Hermit (Swish Swash)
Les 5 Londoniens nous avaient impressionné avec leurs performances scéniques, ils ont à présent un second album à la hauteur de leurs ambitions avec un bon gros son. Entre le post-punk nerveux du Wire des débuts et une rythmique répétitive héritée du krautrock. Essayez juste "Mind Lapse" et sa basse qui tue, une bombe.
12. ATTIC TED | Starfish As Man (La République des Granges, Degelite, Pecan Crazy, Table Basse…)
Un septième album délirant et carnavalesque à souhait pour le projet texan. Des sonorités à la Residents comme retrouvées dans une fête foraine du Sud profond. Enfilez votre meilleur costume, ouvrez une bonne canette de bière et la fête peut commencer.
13. TWELVE THOUSAND DAYS | They Have All Gone Into The World of Light (FinalMuzik)
Martyn Bates et Alan Trench produisent une des musiques néofolk les plus passionnantes du moment. Et ce huitième album s’y entend pour créer des climats spectraux en diable ("Four Rode By").
14. FULL CIRCLE | Kicking Dust : The Goa Way (Full Circle)
Une fascinante compilation sur les débuts de la scène Goa Trance, et vous serez surpris de réaliser les liens étroits qui la rapprochent de la musique industrielle ou New Beat. Vous retrouverez donc ici Front Line Assembly, Clock DVA, à;GRUMH ou encore Cabaret Voltaire !
15. THIERRY MULLER & PEPE WISMEER | Curieuse Quiétude (Klanggalerie)
Superbe seconde collaboration, particulièrement glacée et brumeuse, avec un imaginaire cinématographique et onirique qui se déploie tout au long de ces dix pièces sonores trop tourmentées pour relever de l’ambient.
16. DUCTAPE | Echo Drama (Swiss Dark Nights)
Le duo d’Istanbul s’est fait remarquer comme une des formations darkwave actuelles des plus intéressantes de par leurs mélodies accrocheuses et le charisme de sa chanteuse Çağla Güleray. Sa voix grave séduit dès l’inaugural “Red Scar” et ne nous lâche pas.
17. SUTCLIFFE NO MORE | Cute (Zoharum)
Les anciens Sutcliffe Jugend repoussent encore les limites du power electronics et de la scène noise/indusrtielle. C’est oppressant, puissant, et parfois poignant. Un disque où on se sent vidé à la fin, et on en redemande. Les 25 incroyables minutes du titre "Cute", juste elles, parlent pour elles-mêmes.
18. ANNELIES MONSERÉ | I sigh, I resign (Horn of Plenty <O)
Dès les premiers titres, ce disque se révèle comme une merveille, avec son chant éthéré, ses harmonies d’orgue et ses mélodies comme issues de temps anciens. Un titre comme “Salt” vous emportera très loin.
19. XIU XIU | 13" Frank Beltrame Italian Stiletto With Bison Horn Grips (Polyvinyl)
Le rock expérimental de Xiu Xiu ne s’est pas calmé avec les années, bien au contraire. Mais si le ton reste sombre et déjanté, ce nouvel opus n’en est pas moins un des plus accessibles depuis longtemps. Et quel univers !
20. LOVATARAXX | Sophomore (Cold Transmission)
Le duo synthwave lyonnais continue dans sa lignée avec ce deuxième album, dansant, efficace et entêtant. “Heidi Montauk” ou “Millepertuis” nous ont fait bien bouger cette année, il fallait leur rendre hommage.
21. FLUX GOURMET | Original Motion Picture Soundtrack (Ba Da Bing)
Les films de Peter Strickland ont toujours des BO géniales. Son dernier film ne fait pas exception avec cette histoire d’un journaliste à l’estomac fragile venu documenter dans un château une résidence d’artistes sonores gastriques ! Des douces mélopées d’Heather Trot aux expérimentations radicales de Nurse With Wound et du Sonic Catering Band. Un trip halluciné !
22. DAS DING | Selected Archival Recordings 1979-1985 (Electronic Emergencies)
Danny Bosten a retrouvé les enregistrements de ses premières expérimentations analogiques dans la campagne néerlandaise et tout est déjà là. Du bon son minimal electro sur boîtes à rythmes qui claquent.
23. CHELSEA WOLFE | She Reaches Out To She Reaches Out To She (Loma Vista)
Un nouvel album riche et contrasté pour l’américaine. Un trip en forme de collage où se côtoient sampling indus, voix célestes, electronica, trip-hop, glitch, darkwave et metal. Personnel et puissant à la fois.
24. THE KVB | Tremors (Invada)
Le duo anglais a beau être très productif, l’inspiration est toujours au rendez-vous et leur mélange de goth/coldwave et de shoegaze fonctionne toujours à merveille. Ils parlent d’un retour aux sources de leur “pop dystopique” avec des riffs bien entêtants et des mélodies limpides.
https://www.youtube.com/watch?v=4PIx6Cw05ow
25. IDLES | Tangk (Partisan Records)
Que ce soit sur scène ou sur disque, Idles ont depuis longtemps dépassé l’étiquette du renouveau post-punk. Leur univers est riche, nerveux et techniquement impressionnant. Ce cinquième album nous le prouve encore une fois, arrive à nous surprendre et on ne s’étonne pas de leur succès populaire.
26. KA BAIRD | Bearings : Soundtracks For The Bardos (Rvng Intl)
L’ancienne musicienne de Spires That In The Sunset Rise s’est entourée de plus d’une dizaine de collaborateurs pour un album abstrait et avant-gardiste, beau comme une peinture. Un mélange de cordes, de cuivres, de voix trafiquées et d’électronique très bizarre.
27. JAC BERROCAL, DAVID FENECH & VINCENT EPPLAY | Broken Allures (Cold Spring)
Album captivant pour le trio français, avec en invités de marque Jah Wobble (le son de basse des premiers PIL) et la voix de Cosey Fanni Tutti (Throbbing Gristle, Chris & Cosey). Du dark jazz postindustriel totalement hypnotique.
28. BEAK> | >>>> (Invada)
En quinze ans, le trio de Bristol est devenu un incontournable de la scène néo-krautrock. Beau, cosmique et planant à souhait.
29. ANJA HUWE | Codes (Sacred Bones)
Un des retours les plus fous de l’année, celui de la chanteuse d’X-Mal Deutschland, formation culte de la scène cold/goth des années 80. Une voix qui porte en elle beaucoup de souvenirs et un album-concept approché avec beaucoup d’intelligence.
30. MEDIANOCHE | La Via (autoproduction)
Un troisième album hanté, inquiétant et mystérieux. Les liens avec l’univers de Radikal Satan sont toujours là, avec cette dimension de tango démoniaque, mais les synthés et mellotrons – très présents ici - y apportent un psychédélisme gothique qui n’est pas sans rappeler les Legendary Pink Dots, en plus latin !
31. PHARMAKON | Maggot Mass (Sacred Bones)
Le cinquième album de la New-Yorkaise est certes un peu court mais ça reste du noise/indus sale, organique, grouillant et cathartique. Et puis ça fait un moment qu’on l’attendait.
32. V/A DEEP ENTRIES : Gay Electronic Excursions 1979-1985 (Dark Entries)
Après Patrick Cowley ou Man Parrish, le label Dark Entries continue son travail autour de l’histoire homosexuelle et ses liens avec la musique électronique. On plonge ici dans les ambiances de sueur, de cuir et de rencontres dans des lieux secrets du début des années 1980. Avec notamment Maxx Mann, Dereck Higgins (incroyable titre qui rappelle les débuts de Section 25), Polar Praxis, Bachelor’s Anonymous ou Night Moves.
33. EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN | Rampen - APN : Alien Pop Music (Potomak)
C’est en voyant les morceaux sur scène que j’ai commencé à apprécier ce nouvel album des Allemands. Exit la fureur des années 1980, on est clairement dans des recherches sonores nouvelles et dans des climats qui avaient été abordés dès Silence Is Sexy. Une pop arty, élégante, où chaque son est à sa place et où les instruments inventés ne sont utilisés que pour porter l’émotion.
34. LAURENT SAÏET & FRIENDS | The Last Man Before Dawn (trAce Label)
L’ex Begin Says a encore beaucoup de choses à dire et d’univers à explorer. Pour preuve ce dernier opus en compagnie de Benjamin Ritter, Théo Hakola, Mika Pusse, Mélanie Menu ou Damien Van Lede.
35. KIM DEAL | Nobody Loves You More (4AD)
Un premier album solo et une voix mythique. Des cuivres, des violons, des arrangements electro, des ballades, la musicienne s’essaie à de nouvelles sonorités tout en nous renvoyant aux débuts des Breeders. Incroyablement frais.
36. A PLACE TO BURY STRANGERS | Synthesizer (Dedstrange)
Un nouveau line-up mais une énergie intacte pour ce septième album des noisy rockers qui ont su reprendre le flambeau de My Bloody Valentine ou du Jesus & Mary Chain des débuts. À écouter très fort et à découvrir sur scène bien entendu.
37. GENEVA JACUZZI | Triple Fire (Dais Records)
Un troisième album pour la reine de la synthpop rétro-futuriste. Plus lisse au premier abord que ses efforts précédents, il n’en reste pas moins une bonne présentation des différentes facettes de la performeuse. Pas aussi fort que son Technophelia de 2015, mais qu’est-ce qu’on l’a attendu !
38. KIM GORDON | The Collective (Matador)
Un second album solo pour l’ex-Sonic Youth, toujours dans la veine d’un electro-indus très bien produit piochant allègrement dans le dub, le noise rock, mais aussi dans le hip-hop tendance trap. Une fusion insolite, parfois déroutante.
39. NORMAN McLAREN | Rythmetic : The Compositions Of Norman McLaren (We Are Busy Bodies)
Un disque qui est un sacré événement vu que les musiques que le canadien Norman McLaren avait composées pour ses propres films expérimentaux réalisés entre les années 30 et 70 n’avaient jamais bénéficié de sortie officielle. Ludiques à souhait, ces pièces rappellent notamment la BO du film Planète interdite. Une préhistoire de la musique électronique.
40. THE CURE | Songs Of A Lost World (Polydor)
Pour la voix de Robert Smith et les lignes de basse de Simon Gallup toujours superbes et malgré des solos de guitare parfois étouffants et malvenus. Des choix de production discutables mais une longévité et une sincérité qui appellent le respect.
41. MEKONG | Danse Danse (Manic Depression)
Second album d’un projet coldwave polonais au son eighties affirmé : basse dominante, guitares rêveuses, minimalisme, boîtes à rythmes old school… Quelque part entre le Cure de 17 Seconds, Weimar Gesang et Asylum Party.
42. CURRENT 93 | Sketches Of My Nightmares And Dreams Occurring (Cashen's Gap)
Devant la masse de ses productions souvent inégales, on avait un peu perdu de vue David Tibet et cet album s’avère très bon, renouant avec l’esprit des collages sonores hallucinés de Nurse With Wound et Coil ou les spoken words angoissants de Rozz Williams. Étonnant.
43. ESPLENDOR GEOMÉTRICO | Strepitus Rhythmicus (Geometrik)
Ils sont toujours là depuis 1980. Les précurseurs espagnols du rhythmic noise n’ont jamais arrêté et continuent à développer leur son mécanique, rythmique et industriel. Maintes fois copiés, jamais égalés.
44. MEAT BEAT MANIFESTO & MERZBOW | Extinct (Cold Spring)
Une curiosité. La rencontre entre le breakbeat indus de MBM et la noise japonaise de Merzbow rappelle bizarrement certains disques du label Warp des années 1990. États seconds garantis.
45. GIROTUNA | Elektronische Selektie (Vrystaete)
Impossible de finir cette sélection sans avoir un regard tourné vers ce qui nous attend dès ce mois de janvier, et notamment ce premier vinyle à combiner des titres d’un quatuor néerlandais défunt. De l’électronique lo-fi rêveuse qui flirte avec un dub ambient ésotérique très réussi.