Il y a ici et clairement, comme dans d’autres initiatives prises par la maison britannique Cold Spring, une ambition archiviste. La collection The Totality Of Death se divise en deux parties, dont Alpha est la première. Elle regroupe un ensemble de raretés couchées sur la période 2008-2024 et apparues sur des formats spéciaux, à l’exclusion des formats longs classiques (sources : compilations, éditions limitées, réserves personnelles du protagoniste principal). Des formats longs nombreux depuis la fin des années 2000 pour le sévère et prolifique projet industriel fondé par le Suédois Thomas Martin Ekelund (Then Ramske Pakt, Teeraal Räum Pheynix). Trepaneringsritualen : un projet travaillé par une quête impossible, angoisse existentielle à entendre peut-être dans cette confession d’Ekelund à This Is Darkness, courant 2019 : "Peut-être que le sentiment de non-sens est le but, ou peut-être que nous nous retrouverons finalement dans l’étreinte d’une véritable illumination."
Une angoisse nimbe The Totality Of Death – Alpha, et l’archive vaut le détour. Au charbon, la collection dessine une ligne d’équilibre entre les aspects sévères, bruitistes et rituels de Trepaneringsritualen, et sa dimension plus narrative et mélodieuse (la sévère marche d’"Untitled" contient un folklore). Une dimension que la force du bruitisme a tendance à enfouir dans les parties basses de l’empreinte mentale laissée par cette musique.
Restent aussi les constantes. Si Trepaneringsritualen maintient au fil de la collection un puissant tramage dark ambient ("The crownless Sovereign", onze minutes en apnée), il fait en même temps vœu de puissance, exercice dont sont familiers les adeptes (le superbe "Two Crescent Moons"). Trepaneringsritualen n’est cela dit figé dans aucun mode opératoire et recourts aux formes organiques primaires : une basse rugueuse, linéaire et froide jaillit en "Salve Teragmon", écrasant tribalisme à la frontière du post-punk. Alpha, éventail de possibles, chemins de la perdition. L’éternité est un instant, et le parcours se conclut par un vrombissement terminal, le vent du néant ("Åkallan: Sunna")
En ces choses éparses unies par une force de style, une puissance s’étale, aux intensités qui varient. Une écoute à compléter par The Totality Of Death – Omega.
