Quel étrange sentiment lorsque je consulte la bio de Treponem Pal pour me lancer dans cette chronique : Survival Sounds date de 2012. Je n'ai pas vu le temps passer : il me semblait que la sortie n'avait que trois-quatre ans à peine. C'est que l'album a tourné chez moi régulièrement et qu'il sonne toujours actuel. Le nouveau succède à une sortie restée étrangement confidentielle, Rocker's Vibes (2017), pourtant intéressant puisqu'il s'agissait d'un album au contenu hybride, composé pour moitié de reprises.
On va retrouver ici les ingrédients qui font la force de frappe émotionnelle et physique de Treponem Pal. Quand bien même on se doit de saluer le retour de Laurent Bizet, guitariste du premier line-up (NDLR : qui ne participe pour l’heure qu’à la configuration live du combo), la patte Trepo est immuable. "The Fall", le premier titre, fustige Babylone et la décadence de notre monde, histoire de bien appuyer sur les racines spirituelles rasta de Marco et Didier. Puis une poignée de titres bastonnent pour rappeler à tous que le groupe français fit partie de la toute première équipe qui mit en place le métal industriel. Avec une sortie d'album éponyme en 1989, le groupe lançait le genre aux côtés des parrains Sielwolf, Die Krupps, KMFDM, Oomph !, The Young Gods, Ministry, Killing Joke, Peace, Love & Pitbulls, Swans, Prong, Godflesh ou encore Christian Death (All The Hate, si, si...). Pour preuve de cette place, les tournées et projets que Treponem Pal fit en compagnie de ces autres grands noms.
L'album propose donc un trio de titres qui sont des classiques instantanés du genre : "Screamers", "Earthquake" et le "Badass Sound System", avec cette touche de joie, de délire, d'humour et de provocation qui fit la joie de l'émission Nulle Part Ailleurs sur Canal +, dans un temps très lointain.
Et il y a ces nouveautés, ces détails qui font le sel de chacun des albums de Treponem Pal : les notes synthétiques et la tonalité très Voivod de "Out of Mind", la lenteur hyper sensible et la douceur tamisée de "Too late" (un titre évanescent et languide de premier ordre), la capacité toujours renouvelée de pondre des titres aguicheurs, qui font danser, bien sexy ("Machine"). "Crazy Woman" est de quelques secondes le titre le plus long de l'album : il est magnifique, carré et avec un feeling rock'n'roll heavy tout en gardant une patte garage. Intemporel (encore ces astuces aux claviers qui le rendent moderne et une final orientaliste), il assoit la voix de Marco en un hommage très joli à la Femme éternelle. Enfin, on a des éléments qui relancent l'écoute, comme ces espèces de glissés d'harmonie sur "Cosmic Rider", qui de manière impromptue m'évoquent Kraftwerk !
Et, le groupe ne se refusant rien, il a construit son album comme une machine à gagner. Si deux titres ne me touchent pas dans les conditions rapides de l'écoute pour préparer une interview, le final "Heavy Load" clôt le cru 2023 de fort belle manière : frappe sèche, slides, basse sourde et abrasive. On a là ce qui aurait pu être le premier single d'un ensemble joliment maîtrisé.